Arrivé d’Angola en 2016, Pedro est rapidement devenu compagnon à la communauté d’Étang-sur-Arroux (Saône-et-Loire). Tapissier de formation dans son pays d’origine, il a profité de la présence d’une menuiserie que personne n’utilisait pour se lancer dans l’upcycling de canapé. Un projet qui l’a conduit à obtenir, fin 2020, un bac pro tapisserie grâce à la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Comment s’est passée votre première rencontre avec le Mouvement Emmaüs ?
J’ai découvert le mouvement Emmaüs grâce à une connaissance qui savait que j’avais envie de travailler, et qui m’a dit que je pouvais y trouver du travail et y habiter. J’ai appelé pour trouver une communauté où il y avait de la place et je suis arrivé à la communauté d’Étang-sur-Arroux en décembre 2016.
La vie en communauté m’a apporté beaucoup de choses. Elle m’a appris à vivre auprès de gens avec des cultures, des langues, des couleurs de peau différentes, c’est une belle expérience de vie. Ici il y a plusieurs nationalités, donc pour communiquer on est obligés de parler français. Ça m’a beaucoup aidé à progresser. Et comme tout le monde, j’ai travaillé au tri, au rangement, au camion pour les ramasses.
Et vous avez rapidement développé une spécialité dans le recyclage de canapés…
Oui, je me suis rendu compte un jour qu’il y avait une menuiserie au sein de la communauté, dans laquelle personne ne travaillait. Alors, j’ai demandé aux responsables si je pouvais y travailler et on m’a dit : « pourquoi pas ! ». Alors je me suis lancé dans le recyclage de canapés.
En fait, j’étais déjà tapissier dans mon pays d’origine. C’est comme ça que j’ai eu l’idée. Je me suis dit qu’on pouvait réemployer les canapés destinés à la benne, plutôt que de les jeter ! Honnêtement, je ne connaissais pas grand-chose au réemploi, mais il suffit de récupérer la mousse, le bois, etc. et d’en faire quelque chose. Et fabriquer des choses avec du matériel recyclé, c’est vraiment intéressant. Je n’étais pas sûr que ça allait marcher, mais je me suis lancé et j’ai vu que ça fonctionnait. Mes canapés se vendaient bien et on recevait même des commandes. Ça se passait très bien.
Vous avez ensuite décroché un bac pro tapisserie grâce à la validation des acquis de l’expérience (VAE), une possibilité ouverte aux compagnes et compagnons d’Emmaüs depuis la loi Avenir professionnel de 2018. Par quelles étapes êtes-vous passé ?
Face au succès de mes créations, les responsables de la communauté m’ont dit un jour : « Le travail que tu fais c’est bien, mais as-tu un diplôme ? » J’ai répondu que je n’en avais pas et ils m’ont appris qu’en France on pouvait valider ses compétences pour obtenir un diplôme. Alors j’ai décidé de me lancer dans la démarche, que la communauté a financée. C’est un long processus qui a duré 18 mois. J’ai d’abord travaillé sur le dossier, puis j’ai rencontré des accompagnateurs qui m’ont aidé à préparer ma présentation et m’ont enseigné des notions essentielles au métier. J’ai dû écrire tout ce que j’avais fait en tapisserie : les matériaux que j’utilise pour faire un canapé, mes méthodes, mes techniques. J’ai aussi montré des photos avant/pendant/après.
Puis je suis passé devant le jury, j’ai présenté mon travail et j’ai répondu à leurs questions. Ça m’a demandé du temps, beaucoup d’efforts et de concentration. Surtout que j’ai encore des difficultés à parler français. Dans cette démarche, j’ai été beaucoup aidé par Véronique, Pierre et Lucie, les responsables de la communauté. Ils étaient à 100% derrière moi. Ils m’ont préparé pour le jury et je me suis même entraîné devant eux !
Le jour J, le jury était sympa, mais ce n’est jamais facile de passer devant un jury. J’étais quand même stressé, inquiet avant l’annonce des résultats. Mais la réponse est venue très vite : dans l’heure qui a suivi le jury. Elle était positive, nous étions tous très heureux !
Que vous a apporté ce diplôme dans la vie de tous les jours ?
Avoir ce diplôme, c’est très important. Ça m’a permis de décrocher un emploi. Je travaille au sein du meilleur atelier de tapisserie de France ! J’ai d’abord fait une immersion d’un mois et maintenant j’ai un CDD jusqu’au 31 décembre.
Moi, ce que je veux maintenant, c’est acquérir un maximum d’expérience. On n’apprend pas seulement à l’école mais aussi en pratiquant. J’aimerais approfondir ma connaissance du métier car c’est un beau métier, et qui est aussi très recherché aujourd’hui. On m’a dit qu’il fallait connaître beaucoup d’ateliers pour accumuler l’expérience, car chacun a sa propre méthode de travail. Ça me plairait d’avoir cette chance, pour apprendre de nouvelles techniques.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Un jour j’aimerais bien lancer mon activité. Toujours dans le réemploi bien sûr !