Dans un contexte de crise sanitaire et sociale marquée par une forte hausse du chômage, les parlementaires viennent de s’engager sur le prolongement et l’extension de l’expérimentation « Territoires Zéro Chômeur de Longue durée » lancée en 2017. Ce projet collectif, largement porté par Emmaüs, vise à investir le financement du chômage dans la création de CDI répondant aux compétences et aux centres d’intérêt des personnes sans emploi. Zoom sur une solution alternative qui a fait ses preuves en envisageant l’emploi comme un droit.
Et si l’argent servant à indemniser les personnes au chômage était utilisé pour créer des emplois ? Tel est le pari de « Territoires Zéro chômeur de longue durée», une initiative initiée en 2016 par Emmaüs et plusieurs partenaires (ATD Quart Monde, le Secours Catholique, la Fédération des Acteurs de la solidarité et le Pacte Civique).
Partageant la conviction que l’emploi est un droit et que chaque personne en recherche d’emploi peut proposer des compétences utiles aux collectivités, ils ont décidé d’expérimenter un nouveau dispositif d’insertion professionnelle. Le concept repose sur une démarche à la fois humaniste et pragmatique : satisfaire les besoins sociaux et environnementaux non pourvus d’un territoire en s’appuyant sur les savoir-faire des personnes sans emploi.
Comment ça marche ?
Sur la base du volontariat, tout chômeur se voit proposer un emploi à durée indéterminée (CDI), payé au SMIC et à temps choisi, sur la base de ses compétences et de ses envies. La démarche s’appuie sur des entreprises de l’économie sociale et solidaire (entreprises à but d’emploi – EBE) créatrices de métiers répondant à des besoins de proximité non couverts ou non explorés par l’économie locale. L’éventail est large : maraîchage, végétalisation, tri et recyclage de tissus, aide aux personnes âgées, découpage de bois de chauffe, réparation de vélos, épicerie solidaire, conciergerie, service de laverie pour gîtes, bûcheronnage, recyclage de biodéchets… La seule condition posée est de ne pas concurrencer les entreprises locales déjà existantes.
Ces nouveaux emplois sont ainsi financés à hauteur de 70 % par l’Etat et les collectivités locales, et les 30 % restants par le chiffre d’affaires généré par les nouvelles activités créées.
Un bilan positif
La première phase du projet « Territoires Zéro Chômeur Longue Durée », débutée en 2017, est expérimentée dans dix territoires comptant entre 5 et 10 000 habitants. Une dizaine d’EBE a été créée dans les dix territoires et plus de 950 personnes ont bénéficié de ce dispositif innovant, dont 20% de travailleurs en situation de handicap. Par ailleurs, les retours d’expérience confirment l’impact considérable du projet pour les personnes : dignité retrouvée, inclusion sociale, sécurité financière, meilleures perspectives d’accès au logement. Des effets positifs dont bénéficient également les territoires concernés, avec une redynamisation de la vie locale, une plus-value sociale et environnementale et le développement d’une économie circulaire.
Une réponse pertinente face à des enjeux majeurs
Le risque de voir le nombre de chômeurs de longue durée augmenter est particulièrement fort dans le contexte actuel marqué par la crise sanitaire et sociale dont personne ne connaît la durée ni l’ampleur. Le succès de la première phase expérimentale et la détermination d’Emmaüs et de ses partenaires ont convaincu les parlementaires et le gouvernement de porter une deuxième loi d’expérimentation, qui devrait être définitivement adoptée dans les prochaines semaines.
Cette nouvelle étape législative va permettre d’améliorer le dispositif et d’étendre à 60 le nombre de nouveaux territoires expérimentaux pour cinq ans. Plus de 110 projets sont actuellement en cours d’élaboration dans toute la France.
Un nombre croissant de territoires va pouvoir expérimenter cette solution innovante, qui mise sur l’intelligence collective des acteurs locaux et dessine une autre voie dans la lutte contre l’exclusion. A terme, Emmaüs et ses partenaires espèrent étendre l’expérimentation sur l’ensemble du territoire national. Un projet audacieux dont l’idée centrale est d’envisager l’emploi comme un droit dont chacun doit pouvoir disposer.