Réemployer et valoriser des déchets-bois destinés à l’enfouissement, tout en accompagnant des personnes éloignées de l’emploi à monter en compétence. C’est l’objectif de l’Atelier R-are, un chantier d’insertion étroitement lié au Mouvement Emmaüs. Depuis le mois d’octobre, il accueille six salariés en insertion dans ses locaux de Romainville (Seine-Saint-Denis).
À l’Atelier R-are, tout correspond à l’esprit du Mouvement Emmaüs : donner une seconde vie aux objets, et une seconde chance aux humains. Ici, pas question de vêtements ou de machine à laver, mais plutôt de fenêtres en bois ! En France, elles représentent un gisement d’environ 5 à 6 tonnes, qui finissent chaque année enfouies ou incinérées. Une aberration autant qu’une aubaine pour Rachel Jozefowicz et Camille Muret, cofondatrices de cette structure, et qui gravitent dans l’univers Emmaüs depuis quelques années déjà.
L’ère du réemploi dans le secteur du bâtiment
L’idée n’est pas nouvelle au sein du mouvement. Dès 2015, les Chantiers Peupins (Deux-Sèvres) ont développé une activité de réemploi de fenêtres usagées, que l’Atelier R-are étend désormais à tout bois-déchet du bâtiment, tel que les portes ou les pièces de charpente.
C’est ainsi que l’Atelier R-are comptait cette année parmi les principales entreprises à intervenir dans le projet de rénovation de la Ferme Montsouris, située dans le 14e arrondissement de Paris, comme l’explique Rachel : « Nous avons réalisé un parquet de 100m2 en bois de bout – réinterprétation de techniques anciennes de pavages comme on en trouvait dans le Paris d’autrefois, entièrement avec du bois de charpente issu du bâtiment ». Un projet de rénovation qui est loin de faire figure d’exception.
Comme dans d’autres domaines, les enjeux face au réchauffement climatique et à l’usage excessif de ressources naturelles amènent progressivement les acteurs du secteur à s’orienter vers la construction durable, avec le réemploi de matières existantes. C’est ce que confirme Camille, confiante pour l’avenir : « Aujourd’hui le marché existe, il est prêt. On a réuni les conditions pour que les projets viennent à nous. On a un réseau de bailleurs sociaux, d’architectes et de promoteurs qui nous connaissent et qui n’hésitent pas à faire appel à nous pour des projets. »
Après les aménagements réalisés à la Ferme de Montsouris, ou encore à la Ferme du Rail – ferme urbaine accueillant des personnes en insertion dans le 19e arrondissement de Paris, l’Atelier R-are s’attèle actuellement à la réalisation d’une terrasse pour la Maison des Canaux, construite à partir du bois d’anciennes portes palières de logements.
L’insertion « créative et valorisante »
Dans l’espace de menuiserie partagé « Construire solidaire » qu’occupe l’Atelier R-are, on retrouve la terrasse en préparation. Les six salariés en insertion s’affairent autour de Pierre, l’encadrant technique-menuisier, à démonter des portes, une pièce après l’autre. Une étape parfois difficile et fastidieuse puisque les différents matériaux composant les portes ou les fenêtres (bois, métal, verre) sont très imbriqués. Charge à eux, accompagnés de l’équipe d’encadrement, de leur redonner une seconde vie.
Car c’est là l’un des piliers de l’Atelier R-are. Ramener à l’emploi des personnes qui en étaient éloignées, à travers une activité qui leur permette de monter en compétence et de retrouver plus de confiance. Pour Rachel, cela passe notamment par la diversité des projets : « C’est important pour les salariés d’avoir des techniques d’assemblage différentes, et d’éviter les missions répétitives qu’on aurait si on choisissait toujours les mêmes chantiers. L’objectif, c’est aussi que les salariés participent à toutes les étapes d’un chantier, et qu’ils aient la fierté d’aller jusqu’au bout. »
Comme l’enjeu environnemental n’est jamais loin, la production de l’Atelier R-are s’inscrit dans une démarche tendant vers le zéro déchet. Pas question de gâcher de la matière première réemployée. Ainsi, les chutes produites avec la réalisation de la terrasse en fabrication pour la Maison des Canaux ne sont pas perdues. Elles seront réutilisées pour la fabrication d’un revêtement de sol en mosaïque de bois, ou encore pour la fabrication de lampes dans le cadre d’un concours organisé par la Maison Montreau, située à Montreuil. Une façon de conjuguer préoccupation sociale, environnementale et quête de créativité, qui résume bien l’esprit de ce jeune chantier d’insertion.