Les associations de solidarité dénoncent les décisions du gouvernement visant à réduire le volume de contrats aidés dès le second semestre 2017. Elles rappellent que ces contrats sont, en période de crise, le seul moyen d’accès à l’emploi pour les personnes qui en sont le plus éloignées. Suite aux récentes annonces du Premier Ministre, positives mais insuffisantes, les associations demandent un rendez-vous en urgence avec Edouard Philippe et Muriel Pénicaud ainsi que la suspension de la décision dans l’attente de cette concertation. Elles lancent en outre une pétition qui sera remise à M. Macron.
Si les récentes prévisions macroéconomiques laissent présager des perspectives positives dans la lutte contre le chômage, nous savons toutefois qu’elles ne se traduiront pas à court terme par un retour massif à l’emploi des personnes qui en sont aujourd’hui privées. Les 2,5 millions de personnes au chômage depuis plus d’un an risquent ainsi de ne pas voir leur situation s’améliorer, tant elles suscitent la défiance des employeurs et rencontrent, du fait de leur pauvreté, de leur handicap, de nombreux obstacles au retour à l’emploi.
En permettant un accès quasi-immédiat à un emploi accompagné, les contrats aidés représentent pour les chômeurs de longue durée et les jeunes peu qualifiés le seul moyen de briser le cercle vicieux du chômage et de l’exclusion pour entamer un parcours de retour à l’emploi durable. Par le travail et l’accompagnement, les personnes développent en effet leurs compétences, acquièrent de l’expérience professionnelle et reprennent l’habitude du travail en équipe, autant d’atouts pour une insertion durable dans l’emploi.
En outre, les contrats aidés sont aussi essentiels à la vie de nombreux de nos territoires et de nos concitoyens. Sans l’aide financière qu’ils représentent, beaucoup d’associations mais aussi de collectivités locales ou d’entreprises ne pourraient mener à bien leurs activités, en particulier dans l’action sociale, culturelle et sportive, notamment auprès des enfants, des personnes âgées, ou encore des personnes en situation de handicap.
Réduire aussi brutalement, de 459 000 à 320 000, le nombre de contrats aidés en 2017 et annoncer leur diminution drastique pour 2018 revient à supprimer les perspectives d’insertion de plus de 150 000 personnes et à remettre en cause des activités d’utilité sociale, environnementales ainsi que le bon fonctionnement de nombreux services publics. Dans certains territoires déjà en difficulté, notamment en outre-mer, l’impact social et économique sera désastreux.
Nous demandons au gouvernement de préserver un volume d’emplois aidés identique à celui de l’année 2016 et de renforcer le nombre de ces emplois en 2018 en ciblant les territoires les plus touchés par la crise et le chômage de longue durée. Nous demandons un meilleur accès à la formation des personnes en contrat aidé. La formation est en effet plus efficace lorsqu’elle se déroule en parallèle à une situation de travail et même d’emploi, comme nous le démontre l’alternance. Ne sacrifions donc pas les contrats aidés pour la formation mais combinons les deux, dans le cadre du plan de montée en compétences des demandeurs d’emploi déjà prévu par le gouvernement, afin de garantir un meilleur retour à l’emploi des chômeurs de longue durée. Nous demandons enfin de continuer à réfléchir et expérimenter d’autres moyens plus efficaces d’accès à l’emploi pour les personnes qui en sont le plus éloignées.
? Les organisations de solidarité lancent une pétition pour les #emploisAides au président Macron.
? Pour signer ➡ http://bit.ly/2gG4Q3E
Non, Monsieur Macron, les contrats aidés ne sont pas inutiles
A la recherche d’économies à réaliser, le gouvernement s’est attaqué cet été à différentes mesures sociales, dont les contrats aidés qui aident pourtant des centaines de milliers de personnes à sortir du chômage. Si 459 000 contrats aidés ont été signés par des personnes éloignées de l’emploi en 2016, seuls 310 000 le seront en 2017 – le gouvernement ne souhaitant pas augmenter significativement les crédits insuffisants prévus par l’exécutif précédent – et 200 000 en 2018, selon les annonces récentes du Premier ministre.
Une mesure à contre temps
Cette position est d’autant plus paradoxale que le taux de chômage vient d’augmenter en juillet. Plus de 3,5 millions de nos concitoyens sont toujours totalement privés d’emploi, 2,5 millions d’entre eux depuis plus d’un an. Si des signaux de reprise économique sont apparus, ils ne se traduisent pas, dès aujourd’hui, par des créations d’emploi suffisantes. Dans ce contexte, réduire le volume de contrats aidés, c’est commencer un quinquennat en détruisant des emplois et condamner une centaine de milliers de nos concitoyens au chômage.
Le gouvernement justifie ce choix en pointant l’inefficacité et le coût des contrats aidés, et explique qu’il sera plus efficace d’investir dans la formation des demandeurs d’emploi. Associations d’insertion recrutant et accompagnant des personnes très éloignées du marché du travail, employeurs associatifs, économistes et syndicalistes, nous contestons cette analyse et dénonçons ce choix aux conséquences immédiates désastreuses pour notre tissu social et les plus fragiles d’entre nous.
Un marchepied efficace pour les personnes…
Pour beaucoup de chômeurs, en particulier les jeunes peu ou pas qualifiés, les personnes en situation de handicap et les chômeurs de longue durée, être recruté par une entreprise est aujourd’hui mission impossible. Ils suscitent en effet la défiance des employeurs et ont perdu confiance en eux et en leurs compétences. Beaucoup vivent la pauvreté depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, avec ses conséquences dramatiques : diminution des ressources, sous-alimentation et problèmes de santé inhérents, habitat précaire et indigne, perte de l’estime de soi. Autant de souffrances et d’obstacles au retour à l’emploi durable.
Les contrats aidés, en permettant l’accès quasi-immédiat à un emploi, brisent ce cercle vicieux du chômage et de l’exclusion. La personne travaille, acquiert un salaire et des droits sociaux, développe une expérience professionnelle et des compétences, et, retrouve, enfin, ce sentiment d’utilité et ces liens sociaux dont nous avons tous besoin.
Si le gouvernement juge que le taux de retour à l’emploi de droit commun après la fin d’un contrat aidé est trop faible – ce que la situation globale de l’emploi peut par ailleurs largement expliquer – nous constatons que la reprise d’une activité rémunérée est toujours positive pour les personnes qui craignent de retomber dans le chômage et les minima sociaux. Plutôt que de réduire le nombre de contrats de travail de ce type, il convient donc de les préserver, et même d’en accroître le nombre, puisque plus de 3,5 millions de personnes sont aujourd’hui totalement privées d’emploi, et d’en améliorer la qualité.
Les associations, notamment celles spécialisées dans l’insertion par l’activité économique, le travail adapté et protégé et l’accompagnement socioprofessionnel, ont développé une expertise d’accompagnement, de tutorat renforcé sur le lieu de travail et de mise en relation avec les entreprises, dont le gouvernement pourrait s’inspirer.
Le gouvernement pourrait également renforcer l’accès à la formation des personnes en contrat aidé en suivant les recommandations de différentes études du ministère du Travail. Elles montrent en effet que la formation des chômeurs est beaucoup plus efficace lorsqu’elle s’appuie sur un accompagnement personnalisé et une articulation avec une situation de travail, afin de mettre en œuvre immédiatement les acquis de la formation. C’est ce que font les postes d’insertion par l’activité économique et ceux du travail adapté et protégé, mais aussi une bonne partie des autres contrats aidés. Associer, plutôt qu’opposer, contrats aidés et formation, créerait ainsi des parcours cohérents et complets, donnant réellement aux personnes les chances de retrouver un emploi durable.
… et bénéfique pour la société
Enfin, nous tenons à rappeler que les contrats aidés sont aussi une formidable richesse pour notre société. Ces emplois participent en effet au développement social et économique de territoires marqués par le chômage de masse, le déclin industriel et la pénurie d’emplois disponibles. Grâce à eux, nombre d’associations, mais aussi de collectivités locales, peuvent mener à bien leurs missions d’intérêt général, telles que la solidarité de proximité, les activités périscolaires et l’éducation populaire, l’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées, l’accès au sport, aux loisirs et à la culture ou encore des pans entiers de la transition écologique. La ministre du Travail estime que la politique de l’emploi n’a pas à financer ces missions souvent très appréciées de la population. Mais qui d’autre, si l’Etat fait défaut, assurera le maintien d’activités assurant à la fois l’accès à l’emploi au bénéfice de personnes éloignées du marché du travail et le soutien d’actions à très forte utilité sociale ?
Les contrats aidés sont, associés avec la formation, le levier le plus efficace pour y parvenir, l’expérience le prouve. Mais, oui, il convient d’améliorer encore les politiques proposées aux personnes privées d’emploi, de sorte que celles-ci ne versent pas dans l’exclusion. Cela suppose une concertation avec les associations qui les mettent en œuvre depuis des années, les personnes qui en bénéficient ou en ont bénéficié, et plus largement, l’ensemble des acteurs de l’emploi et du mouvement associatif. Nous demandons donc au gouvernement de revenir sur ces orientations, de maintenir un volume élevé de contrats aidés et de mettre en place une concertation ambitieuse, nous associant, pour en améliorer la qualité, notamment via l’accès à la formation professionnelle. Et après les baisses successives de crédits sur les aides au logement, le logement social, les parcours de sortie de la prostitution ou la politique de la ville, nous souhaitons lui rappeler que plus de 8,8 millions d’entre nous vivent sous le seuil de pauvreté, dans un état d’urgence social où les associations et les collectivités locales se retrouvent souvent seules en premières ligne pour sortir les personnes de l’exclusion et garantir la cohésion sociale.
Liste des premiers signataires :
Jacques Bailet, Président de la Fédération Française des Banques Alimentaires
Jacqueline Balsan, présidente du Mouvement national des chômeurs et précaires
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
Clotilde Bréaud, présidente du Comité national de liaison des régies de quartier
Jean Burneleau, président de Coorace
Dominique Calonne, vice-président du Collectif des SDF de Lille
Denis Clerc, économiste et fondateur d’Alternatives économiques
Laurent Desmard, président de la Fondation Abbé Pierre
Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss
Paul Duprez, Président d’Emmaüs Solidarité
Véronique Fayet, présidente du Secours catholique
Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité
Bernard Gazier, professeur émérite de science économique à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
Jean-Patrick Gilles, président de l’union nationale des missions locales
Philippe Guerrard, président d’Advocacy France
Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE
Jean-Michel Hitter, président de la Fédération de l’entraide protestante
Philippe Jahsan, président du Mouvement associatif
Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France
Rachid Lahlou, président fondateur du Secours Islamique
Dominique Méda, professeure des universités, Paris-Dauphine
Nicolas Noguier, président de l’association Le Refuge
Bruno Palier, directeur de recherches du CNRS à Sciences-Po
Alain Rochon, président de l’Association des paralysés de France
Hélène de Rugy, Déléguée générale de l’Amicale du Nid
Pierre Santini, président de l’association Culture du Cœur
François Soulage, président du Collectif Alerte
Alain Villez, président des Petits frères des pauvres
Eric Yapoudjian, Directeur Général de la Fondation de l’Armée du Salut