Socle commun pour une politique migratoire respectueuse des droits fondamentaux et de la dignité des personnes
Considérant :
– la situation humanitaire déplorable dans laquelle sont laissées nombre de personnes étrangères sur le territoire
français ou à ses frontières, privées de la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ;
– les difficultés rencontrées par les personnes étrangères pour faire reconnaître la légitimité de leurs parcours, leurs
compétences et leurs droits ;
– les conséquences désastreuses de politiques principalement répressives, fondées sur une application
« minimaliste » du droit d’asile, les conditions drastiques pour la délivrance de titres de séjour, la criminalisation de
l’entrée irrégulière sur le territoire, la traque, la rétention et l’expulsion de personnes dont la seule faute est de ne pas
disposer des bons papiers au bon moment ;
– les coûts humains et financiers exorbitants de ces politiques, que ne justifient ni la dangerosité fantasmée des
personnes étrangères, ni les résultats attendus de la prétendue « fermeture des frontières », toujours démentie par les
faits ;
– les entorses au droit international et aux conventions internationales ratifiées par la France, et les condamnations qui
ont été prononcées à son encontre par des juridictions européennes ou internationales ;
– la militarisation croissante des frontières, la création de régimes d’exception dans les zones frontalières ainsi que
dans certains territoires ultra-marins, et leurs conséquences meurtrières ;
– l’absence de concertation avec les personnes étrangères et les acteurs de la société civile ainsi que l’absence
d’évaluation des politiques mises en oeuvre depuis des décennies ;
– la mise en concurrence, à travers les discours et les décisions des pouvoirs publics, des personnes subissant toutes
formes de précarité, étrangères ou non ;
– la juste indignation, la mobilisation et la solidarité dont témoignent un nombre croissant de citoyen·ne·s partout sur le
territoire ;
– la remise en cause quasi systématique de la présomption de minorité, les lacunes de la prise en charge par l’ASE, la
maltraitance et l’enfermement des mineur·e·s ;
Nous, citoyen·ne·s français·e·s et étranger·ère·s résidant en France, associations, collectifs et syndicats engagés à
l’échelon local, national et international pour la défense des droits des personnes étrangères au sein des États
Généraux des Migrations,
– sommes réuni-e-s au sein de 106 assemblées locales en France métropolitaine et d’outre-mer pour poser,
dans la déclaration qui suit, les bases d’un renversement du discours dominant sur la question des migrations ;
– inscrivons la déclaration qui suit dans la continuité de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi
que de tous les engagements internationaux de la France en matière de respect des droits des personnes ;
– affirmons qu’il n’y a pas de « crise migratoire » mais une « crise des politiques migratoires » ;
– appelons toutes et tous à nous rejoindre pour promouvoir une politique migratoire fondée sur les droits
fondamentaux et régie par les principes suivants :
1. Un accueil digne des nouveaux arrivants
1-1 Création de dispositifs publics de premier accueil, à dimension humaine, répartis sur l’ensemble du territoire, où
pourraient se rendre librement les personnes étrangères à leur arrivée sur le territoire ;
Principes de ces dispositifs :
1-2 Accueil inconditionnel ;
1-3 Prise en charge adaptée des personnes les plus vulnérables ;
1-4 Hébergement, obligation de mise à l’abri immédiate et prise en charge des moyens de subsistance ;
1-5 Information sur les possibilités offertes sur le territoire, sur les droits, sur les démarches à entreprendre, en tenant
compte des projets de chacun·e.
2. Un respect du droit d’asile effectif, qui ne soit plus prétexte à une logique de tri
2-1 Nécessité de rendre effectif le droit des personnes menacées de persécution à une protection internationale,
passant en particulier par :
2-2 L’arrêt des renvois des personnes vers le pays d’entrée dans l’Union Européenne ;
2-3 La suppression des procédures accélérées ;
2-4 L’abandon de la notion de pays d’origine sûrs ;
2-5 L’élargissement des critères ouvrant droit au statut de réfugié pour prendre en compte les causes très variées
d’exil forcé ;
2-6 Le rejet de toute mesure qui prive les réfugié·e·s potentiel·le·s d’un examen équitable de leur demande et de
possibilités effectives de contester un refus de l’Ofpra.
2-7 Le droit d’asile ne doit jamais être utilisé comme prétexte pour organiser une logique de tri, qui fait la distinction
entre les personnes étrangères qui auraient « vocation à » venir s’installer en France et les autres, qualifiées de
« migrants économiques » et considérées comme indésirables.
3. Vers une égalité des droits entre Français·e·s et étranger·ère·s présent·e·s sur le
territoire
3-1 Respect effectif des droits fondamentaux, des textes internationaux ratifiés par la France via les mesures
suivantes :
3-2 Respect du droit des mineur·e·s isolé·e·s aux dispositifs de la protection de l’enfance, sur la base de la
présomption de minorité ; prise en compte de l’attention primordiale qui doit être accordée à l’intérêt supérieur de
l’enfant, seul ou accompagné, dans toutes les décisions le concernant ;
3-3 Suppression des tests osseux pratiqués dans de la cadre de l’évaluation de la minorité pour déterminer si un.e
jeune relève de la protection de l’enfance ;
3-4 Fin des contrôles au faciès ;
3-5 Fin de toutes les formes d’enfermement et d’assignation à résidence pour entrée ou séjour irréguliers ;
3-6 Droit à la régularisation pour les personnes résidant en France ;
3-7 Autorisation de travail pour toutes les personnes titulaires d’un titre autorisant au séjour (carte de séjour,
attestation de demandeur d’asile, récépissé), et accordée dès la signature d’un contrat de travail et/ou le constat d’une
relation de travail ;
3-8 Annulation des conditions spécifiques aux personnes de nationalité étrangère pour l’exercice d’un emploi ou la
création d’une activité économique ;
3-9 Accès à la formation (apprentissage de la langue, scolarisation des enfants, études, formation professionnelle) ;
3-10 Élargissement de la reconnaissance de diplômes équivalents ;
3-11 Suppression des conditions limitant le droit au regroupement familial ;
3-12 Levée des barrières pour un accès, effectif et inconditionnel aux soins de santé (somatique et mentale) adossé
sur le droit commun ;
3-13 Respect du principe d’égalité devant les services publics à tous les niveaux. Accès inconditionnel à un service
d’interprétariat ;
4. Une reconnaissance des initiatives citoyennes dans l’accueil et le soutien aux
personnes étrangères
4-1 Suppression effective du « délit de solidarité » et de toute mesure d’intimidation à l’encontre des personnes qui
aident des étranger·ère·s de façon inconditionnelle et sans but lucratif ;
4-2 Reconnaissance et valorisation des initiatives solidaires comme des actions d’intérêt général ;
4-3 Reconnaissance et valorisation par les pouvoirs publics des manifestations de solidarité émanant de citoyen·ne·s
ou de collectivités.
5. Modification des règles concernant l’accès au territoire français et des politiques
européennes et internationales
Dans un souci de cohérence avec ce qui précède, il importe de réviser les règles d’accès au territoire français,
fondées elles aussi sur une logique de tri, et de promouvoir ce changement au sein des instances européennes.
5-1 Abandon du règlement Dublin, droit des personnes étrangères au libre choix de leur pays de destination ;
5-2 Liberté d’entrée, de circulation et d’installation dans l’espace européen pour les personnes étrangères à l’Union
européenne ;
5-3 Fin des mesures d’exception dans les espaces frontaliers de la métropole ainsi que dans les Collectivités et
Territoires d’Outre-mer ;
5-4 Arrêt des politiques d’externalisation, de l’approche dite « hotspots » et de la multiplication de centres de tri sur les
routes des migrant·e·s ;
5-5 Fin des expulsions, des bannissements, notamment par le biais d’IRTF (Interdiction de Retour sur le Territoire
Français).
6. Conditions de réalisation et de mise en oeuvre d’une telle politique alternative
6-1 Fin de la logique de discrimination et de suspicion généralisée envers les personnes étrangères, qui conduit à des
drames, des violences, des souffrances, des humiliations et du harcèlement ;
6-2 Transfert des budgets engagés dans l’actuelle politique sécuritaire et répressive aux différents dispositifs d’accueil
et d’accompagnement ;
6-3 Changement de gouvernance : la politique migratoire ne doit plus être confiée au seul ministère de l’Intérieur.
Privilégier une approche interministérielle fondée sur le droit commun ;
6-4 Formation des personnels administratifs, fonctionnaires et travailleurs sociaux à la compréhension des questions
migratoires, à l’interculturalité et à la logique de bienveillance ;
6-5 Fin de l’impunité des élu·e·s et représentant·e·s de l’État en cas de violations des droits imprescriptibles des
personnes étrangères : systématisation des enquêtes des organisations de la société civile et pouvant être ordonnées
par les tribunaux afin que soient sanctionnées les personnes responsables de ces manquements à leur mission, et
protection des agents qui dénoncent ces violations ;
6-6 Mise en place de cadres de concertation et de coopération entre la société civile et les autorités (sans que cela
conduise à pallier les carences de l’État) ;
6-7 Évaluation transparente et menée par des autorités indépendantes des politiques migratoires, avec un mécanisme
qui engage les pouvoirs publics à tenir compte des recommandations.
Lien vers le texte du Manifeste : https://eg-migrations.org/Manifeste-des-Assemblees-Localesreunies-pour-la-1ere-session-pleniere-des