Les principaux acteurs de l’économie solidaire listent dans une tribune sur le site du Monde.fr les quatre mesures qu’ils attendent du gouvernement pour pouvoir pleinement bénéficier de la loi Pacte.
Le projet de loi PACTE comporte un nombre très élevé de mesures destinées à renforcer la place de l’entreprise dans la société. Parmi les plus emblématiques, il faut signaler la simplification des seuils sociaux, l’inscription d’une mission sociale et/ou environnementale dans l’objet social des entreprises désireuses de le faire, la représentation des salariés dans les conseils d’administration, l’extension des
dispositifs d’intéressement et de participation pour les PME avec un allègement substantiel du forfait social, le développement de l’actionnariat salarié, l’harmonisation des régimes d’épargne retraite.
Conçu pour le secteur privé lucratif, ce projet de loi ne comporte guère de mesures propres à encourager l’économie sociale et solidaire (ESS). Pourtant, si le Gouvernement et le Parlement s’appropriaient cette ambition, ce projet pourrait dynamiser le développement de la finance solidaire à travers quatre séries de dispositions et apporter ainsi à l’ESS des moyens supplémentaires pour changer d’échelle.
Premièrement, l’extension et l’amélioration du régime de l’épargne salariale, qui représente deux tiers de l’encours d’épargne solidaire, permettrait de maintenir la dynamique de cette collecte d’épargne solidaire observée depuis dix ans.
Deuxièmement, l’harmonisation des régimes d’épargne retraite fournirait l’occasion de généraliser une offre solidaire à tous ces dispositifs d’épargne, en leur étendant la formule qui a fait le succès de
l’épargne salariale solidaire.
Troisièmement, la modification du régime de l’assurance-vie permettrait au Président de la République d’honorer sa promesse de campagne de soutenir le développement de la finance solidaire et notamment d’obliger les assureurs à présenter, pour les contrats multisupports, au moins une unité de compte solidaire, les épargnants restant naturellement libres de l’inclure ou non dans leur contrat. Comme l’assurance-vie, avec un encours proche de 1 700 Mds€, représente un tiers de l’épargne financière des ménages, c’est évidemment la mesure phare attendue par l’ESS dans la loi PACTE.
Quatrièmement, la simplification de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », qui donne accès aux financements solidaires, doit permettre de continuer à financer les jeunes pousses de l’économie solidaire, plus nombreuses que jamais grâce la montée en puissance rapide de l’entrepreneuriat social dans notre pays. Moins de 1 000 entreprises en bénéficient actuellement et il conviendrait de faire nettement mieux. Car les projets à financer ne manquent pas et leur nombre ou leur volume croît au même rythme que la collecte d’épargne depuis quinze ans.
S’il était adopté avec les améliorations suggérées, cet ensemble de mesures serait de nature à dégager des sources de financement supplémentaires pour les entreprises de l’ESS. Et sans qu’il en coûte rien à l’Etat car l’épargne solidaire est une épargne privée qui est simplement fléchée vers le financement d’entreprises à lucrativité limitée, privilégiant l’impact social et environnemental par rapport à la rentabilité financière. D’ores et déjà, Finansol, le collectif des acteurs de la finance solidaire, rend publics chaque année des indicateurs permettant d’appréhender l’impact des financements accordés à l’épargne collectée.
Cet ensemble très cohérent de mesures et de propositions d’améliorations devrait recueillir un soutien très large du Parlement. Car le développement de la finance solidaire a été historiquement soutenu aussi bien par des majorités de gauche, de droite ou du centre que par les organisations syndicales, très impliquées dans le développement de l’épargne salariale et de l’épargne retraite. C’est naturel puisqu’il s’agit de soutenir des projets collectifs qui renforcent l’inclusion sociale sur les territoires et en particulier les plus vulnérables. Ces mesures devraient également aider les associations, les fondations et les mutuelles à faire évoluer leur modèle économique, fragilisé par la baisse des financements publics – notamment par l’affaissement des ressources liées à la générosité du public consécutif aux mesures fiscales adoptées fin 2017 et des aides publiques à l’emploi dont les contrats aidés.
En outre, si les épargnants solidaires ne consacrent que quelques centaines ou milliers d’euros à cette épargne, ils veulent se servir de leur argent comme d’un levier pour favoriser les transitions écologique, énergétique et solidaire. Reconnaître davantage de pouvoir au citoyen en lui permettant de donner du sens à son argent et de financer directement davantage de projets à forte utilité sociale constitue un projet politique en soi et ne peut que renforcer une citoyenneté active, celle de l’engagement au service de la collectivité. Un rendez-vous donc avec l’avenir, à ne pas manquer pour le Gouvernement et sa majorité parlementaire.
Tribune publiée dans Le Monde, le 10 septembre 2018.
Les signataires :
Finansol – Frédéric Tiberghien, président
Centre Français des Fonds et Fondations – Benoît Miribel, président
Mutualité Française – Thierry Beaudet, président
Emmaüs France – Hubert Trapet, président
CJDES – Laure Delair, présidente
RTES – Christiane Bouchart, présidente
CN CRESS – Marie-Martine Lips, présidente
Fédération des Entreprise d’Insertion – Luc de Gardelle, président
Labo de l’ESS – Hugues Sibille, président
ESS France – Roger Belot, président
Le Mouvement associatif – Philippe Jahshan, président
UDES – Hugues Vidor, président