L’Association Emmaüs Bussières et Pruns, qui gère un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), a organisé le mardi 5 novembre une journée de réflexion et d’interpellation. Intitulée « Quand l’accueil des migrants demandeurs d’asile pose question », elle a rassemblé 250 personnes, acteurs du Mouvement Emmaüs, militants associatifs et étudiants en travail social notamment.
Portée par son engagement associatif et par sa responsabilité de gestionnaire d’un CADA, l’association Emmaüs Bussières et Pruns (située en Auvergne) a engagé depuis plus de 18 mois une démarche d’interrogations, de réflexions et de propositions sur la question de la demande d’asile. Cette problématique occasionne trop souvent des drames humains et familiaux intolérables. Parmi ceux-ci, le sort qui est fait aux personnes déboutées de l’asile, dont la demande est refusée. Certaines d’entre elles reçoivent une obligation de quitter le territoire (OQTF), alors qu’elles sont originaires d’un pays où il est impossible de les renvoyer. Elles se retrouvent alors dans une posture invraisemblable, n’ayant pas le statut pour rester en France mais ne pouvant pas non plus quitter le pays… Comment, par conséquent, concilier les valeurs d’Emmaüs – l’accueil inconditionnel – avec les impératifs liés à la législation française ? Le CADA Emmaüs doit alors gérer des situations extrêmement délicates : « on ne va pas remettre les familles, les enfants, à la rue ! », témoigne Eric Foëx, président de l’association.
Des mois d’attente
Pourtant les chiffres sont sans appel : en 2012, 61 468 personnes, chiffre en hausse de 7,2 % par rapport à 2011, ont fait une demande d’asile à la France et, à terme, à peine 10 000 d’entre eux obtiendront une réponse favorable, après de longs mois d’attente. Durant cette période, les enfants sont scolarisés, les parents apprennent le Français, et nombre d’entre eux – au bout d’un an passé sur le territoire car auparavant ils n’en ont pas le droit -, travaillent. Délais d’attente interminables, manque de respect de la dignité des personnes, droits fondamentaux bafoués, augmentation du nombre de refus… Autant d’éléments qui ne peuvent être satisfaisants, ni pour les personnes demandeurs d’asile ni pour les associations, comme Emmaüs, qui les accompagnent. « Si les personnes réfugiées, qui demandent protection et accueil dans notre pays, sont porteuses d’une force de vie incroyable, leur permettant de tout laisser pour reconstruire ailleurs, elles n’en sont pas moins des victimes, rappelle Eric Foëx. Et que dire de leurs enfants ! » Les demandeurs d’asile sont pourtant aujourd’hui traités avant tout comme des fraudeurs, comme des menteurs… Le Mouvement Emmaüs ne peut rester indifférent face à ces situations intolérables.
Une interpellation nécessaire
Le climat politique, économique et social actuel n’invite guère à l’optimisme quant à une meilleure gestion de ces problématiques complexes. Pour autant, il demeure fondamental de défendre un certain nombre de valeurs pour permettre le respect des droits fondamentaux de chacun. La journée du 5 novembre s’est donc articulée autour de différentes interventions enrichissantes : regard d’un philosophe sur la question de la dignité, éclairage d’un avocat au barreau de Clermont Ferrand sur l’évolution du droit français et du droit européen sur la demande d’asile, ou encore mise en perspective régionale et au-delà avec les interventions des présidents d’Emmaüs France, d’Emmaüs Europe et d’Emmaüs International. Des propositions concrètes ont émergé, qui seront portées par le Mouvement Emmaüs dans les semaines à venir. Car depuis sa création, Emmaüs agit aux côtés des personnes dont la dignité est atteinte, afin de trouver, avec elles, des réponses constructives et sources d’intégration.