Après le logement et l’emploi, la création de la structure Emmaüs Connect témoigne de l’engagement du Mouvement dans un nouveau combat : favoriser l’accès aux télécommunications pour les personnes les plus fragiles. Car plus on est pauvre, plus il est difficile de pouvoir acquérir ces outils, pourtant indispensables pour vivre et exister dans la société d’aujourd’hui.
A l’heure du « tout numérique », les télécommunications sont devenues une nécessité quotidienne pour l’insertion et l’autonomie des personnes. Que ce soit pour chercher un emploi ou un logement, pour entreprendre des démarches administratives ou pour rester en contact avec ses proches, pouvoir joindre et être joint est une nécessité. Depuis 2010, le chantier d’insertion Emmaüs Défi expérimente un programme de téléphonie solidaire à Paris, en partenariat avec SFR, la ville de Paris et d’autres associations, afin de permettre l’accès aux télécommunications pour les populations les plus fragiles. Mais parce que lutter contre la fracture numérique est bien l’un des leviers de la lutte contre l’exclusion, l’association a décidé d’élargir le périmètre du programme à Internet, et à d’autres villes de France. Pour porter ces ambitions, une nouvelle structure Emmaüs, Emmaüs Connect, est officiellement née à Paris le 19 avril, lors d’une conférence de presse.
Téléphonie solidaire
Sans compte courant ou sans domicile, maîtrisant mal l’usage d’Internet, les plus démunis sont contraints de recourir à des offres prépayées, bien plus chères que les forfaits attractifs du marché. Parallèlement, la complexité de l’univers des télécommunications fait fuir un certain nombre de personnes qui connaissent déjà des difficultés dans d’autres domaines. Deux phénomènes sont donc observables : d’un côté des personnes qui n’ont pas ou peu accès au téléphone, de l’autre, des personnes qui consacrent une part disproportionnée de leur budget au téléphone : certains payent jusqu’à 80 euros de téléphone par mois, se privant pour cela de biens essentiels. Pourtant, pour Dana Diminescu, sociologue à Telecom ParisTech, « le téléphone est incontournable car il fait office d’adresse pour les personnes sans-papier et sans domicile, et il permet une ‘présence connectée’, une joignabilité permanente qui donne la garantie que l’on peut être joint ». Depuis 2010, le programme de téléphonie solidaire lancé par Emmaüs Défi permet de faciliter l’insertion des personnes grâce à un accès juste et durable aux télécommunications, avec des tarifs et un accompagnement adaptés. « En trois ans, nous avons accueilli 2500 personnes, la plupart du temps orientées par des intervenants sociaux, témoigne Margault Phélip, responsable du programme. 67% d’entre elles étaient à la recherche d’un emploi : comment régler cette problématique quand on n’a pas de numéro de téléphone ? »
Connexions solidaires
Après cette première phase réussie – 96% des bénéficiaires se disent satisfaits du programme –, la structure Emmaüs Connect a été créée afin de mettre en œuvre sur tout le territoire français le prolongement logique de la téléphonie solidaire : le programme « Connexions solidaires », qui intègre désormais Internet. Objectif pour 2015 : aider 100 000 personnes en France à développer leur potentiel grâce au numérique. Toujours en lien étroit avec ses partenaires, Emmaüs Connect propose donc des offres à tarif solidaire – un système de cartes prépayées permettra par exemple aux personnes sans domicile fixe de se connecter pour 1 euro. Dans le même temps, un accompagnement personnalisé est mis en place, afin d’orienter progressivement les bénéficiaires vers des solutions plus pérennes. « Ce programme s’inscrit totalement dans le Mouvement Emmaüs, car Emmaüs, c’est lutter contre toutes les formes d’exclusion, y compris par le numérique, explique Christophe Deltombe, Président d’Emmaüs France. Le grand isolement est une des plaies de notre société : le combattre, par tous les moyens, est une nécessité. » Pour la sociologue Dana Diminescu, ce programme permet en outre de bouger le cadre de pensée sur la question de l’intégration : « il faut désormais reconnaître le droit à la connectivité, c’est à dire la possibilité de créer de nouveaux liens, au même titre que le droit à la santé ou au logement. En effet, être mobile, être flexible et être joignable sont des facteurs indispensables pour l’intégration des plus exclus. »