Cet été, Emmaüs France a organisé des vacances pour des familles accueillies au sein du Mouvement. Coordonnés par la mission Familles de la fédération, deux séjours ont eu lieu au mois d’août, dans le cadre d’un projet mené conjointement avec le Cent pour Un de Tours (Indre-et-Loire) et la communauté La Pointe Emmaüs (Finistère), avec pour intention de développer l’accès aux vacances et l’autonomisation des enfants.
L’été n’est pas synonyme de vacances pour tout le monde. Ils sont nombreux à pouvoir en témoigner en cette fin de mois d’août, à la Communauté La Pointe Emmaüs, lieu de tourisme solidaire du Mouvement. C’est ici que la mission Familles d’Emmaüs France a organisé 2 séjours de familles, toutes hébergées et accompagnées au quotidien par le Cent pour Un de Tours. Encore méconnu, le principe des Cent pour Un est simple : des bénévoles se réunissent pour financer le logement d’une famille et lui proposer un accompagnement.
Au sein de l’association tourangelle comme dans la plupart des structures Emmaüs, les familles accueillies sont le plus souvent en situation de migration. Elles arrivent épuisées, au terme d’un parcours d’exil toujours douloureux qui ne marque pas pour autant la fin des difficultés. Emmaüs constitue alors un refuge, un lieu où reprendre des forces avant les combats à venir pour tenter de reconstruire leur vie ici. Alors évidemment, quand l’association leur a proposé de venir passer une semaine en Bretagne pour un séjour entièrement organisé par la mission Familles d’Emmaüs France, ils n’ont pas hésité longtemps.
Une parenthèse de légèreté pour oublier le quotidien
Assise au soleil sur la terrasse de la Communauté située à seulement quelques kilomètres de la Pointe du Raz, Heda savoure ces vacances loin de son quotidien : « Ça fait du bien de changer d’air. On n’avait pas bougé de Tours depuis 3 ans, sauf pour aller à Orléans ! ». Arrivée de Tchétchénie en 2021 à 18 ans, Heda, sa mère et ses 4 frères ont d’abord connu le 115 avant de rencontrer des bénévoles qui les ont orientés vers Cent pour Un de Tours. Pudique sur ces trois dernières années, elle préfère évoquer le soulagement familial récent à l’annonce de leur régularisation. Désormais, Heda et sa famille vont pouvoir voler de leurs propres ailes : « On va quitter le logement du “Cent pour un” parce que d’autres personnes en ont besoin, et on va pouvoir en trouver un à nous », raconte-t-elle, soulagée.
La régularisation, Forcim, Alida et leur fils Diorli en rêvent. Arrivés d’Albanie en 2017, ils ont vécu pendant des années entre la rue et le 115, avant d’accéder à un appartement grâce aux bénévoles de Cent pour un Tours. « C’était le 23 décembre 2020, je m’en souviens très bien », raconte Alida, grand sourire aux lèvres. Un sourire qui s’efface aussi vite qu’il est apparu quand Forcim explique entre surprise et profonde déception avoir reçu début août un refus à leur demande de régularisation : « Le préfet a refusé alors qu’on a un logement, j’avais une promesse d’embauche en CDI, et Diorli est au collège, tout va bien pour lui, même si ça a été dur au début ». La décision est tombée de façon aussi brutale qu’inattendue. Alors ce séjour au bord de la mer les réjouit : « On profite de la mer et ça fait du bien de penser à autre chose, d’oublier un peu notre situation ! » À côté, Rosudan et ses enfants Célia et Tengo attendent toujours des nouvelles de la Préfecture. Une situation qui n’aide pas à refermer les blessures de l’arrachement à leur pays natal, la Géorgie : « Ça a été très douloureux pour les enfants de partir de chez nous », confie-t-elle « et ça fait du bien d’être ici ».
Redonner leur place aux enfants
Comme Diorli, Célia ou Tengo, les jeunes qui ont connu l’exil ont ça en commun : leur vécu tendrait à faire oublier qu’ils ne sont encore que des enfants. Des personnes dont on oublie parfois la situation quand le contexte nécessite d’abord de palier à l’urgence plutôt que de préserver la légèreté et l’insouciance qu’on est en droit d’avoir à cet âge-là. En cela, ce projet de vacances, réalisé avec le soutien de la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), est vu comme un laboratoire pour Charlène Quetron, responsable de la mission Familles chez Emmaüs France : « Le projet permet évidemment de resserrer les lien parents-enfants et de créer des liens entre les jeunes eux-mêmes. L’objectif est aussi de travailler à leur autonomisation et de réfléchir à la place qu’on veut leur donner en tant qu’enfants ».
Pour ce faire, un programme a été finement préparé en partenariat avec Alexandre Le Pen, directeur de La Pointe Emmaüs, dont l’activité principale est le tourisme solidaire autour d’un tiers-lieu et d’hébergements flambants neufs. Des nouveaux locaux qui permettent d’abord de mettre en œuvre une logique d’autonomisation dans l’agencement des couchages. Ainsi, les parents dorment chacun dans leur chambre, et les enfants dans des dortoirs non-mixtes. Une façon aussi d’expérimenter d’autres modes de fonctionnement. La logique se poursuit du côté des activités, où les possibilités ne manquent pas dans les environs. Au programme de la semaine, le planning prévoit des activités familiales (aquarium local, sorties en ville ou en mer), des temps libres, mais aussi des activités réservées aux enfants. À l’image de cette activité théâtre, par un matin brumeux, où les rires et le lâcher-prise finissent par prendre le pas sur les réticences des premières minutes.
Pour la mission Familles, ces deux séjours d’une semaine qui ont permis à 13 parents et 26 enfants de profiter de « vacances organisées » n’étaient qu’une première étape. La suite : un prochain séjour prévu au printemps prochain, toujours dans ces contrées bretonnes. Cette fois-ci, les enfants de 8 à 14 ans viendront quelques jours sans leurs parents, profiter une nouvelle fois du grand air et oublier un peu leur quotidien.