Portrait de Frédéric Canteau, coordinateur des Chantiers Peupins du Mouvement Emmaüs.
Comment êtes-vous devenu coordinateur d’un chantier d’insertion spécialisé dans le réemploi ?
J’ai d’abord travaillé dans les travaux publics pendant une quinzaine d’années avant de suivre une formation d’encadrant technique. Un grave accident de travail m’avait en effet contraint à revoir mes projets professionnels et un bilan de compétences a été très utile pour prendre conscience que j’aimais le contact d’une équipe, le social et la nature. Dans le cadre de ma réorientation professionnelle j’ai suivi et obtenu le titre professionnel d’Encadrant Technique d’Insertion où j’ai fait un stage dans différentes structures de l’insertion par l’activité économique mais aussi en ESAT et dans un CCAS. Je suis arrivé aux chantiers Peupins en 2014, 20 ans après la création de ce chantier d’insertion qui s’était spécialisé dans le réemploi de palettes. J’ai découvert la force du réseau Emmaüs que je ne connaissais que de nom ! Et aujourd’hui je m’éclate avec le côté humain de mon travail.
Quelle est la force d’un chantier d’insertion d’après vous ?
En ce moment, nous avons 16 salariés en insertion au chantier. Durant leur parcours de deux ans maximum, nous proposons un accompagnement individualisé et de proximité afin de les aider à lever les freins à l’emploi (accès aux droits, mobilité, logement, santé…), de développer des compétences et d’acquérir les codes du travail.
Les activités des chantiers Peupins ont évolué depuis sa création. Entre la communauté et l’entreprise d’insertion, le chantier permet vraiment une remise au travail progressive grâce au soutien d’un encadrant technique sur la partie activité et d’un accompagnant socio-professionnel sur la partie sociale. L’encadrant n’a pas besoin de connaître toutes les difficultés du salarié en insertion mais quand on sait que la personne est sans logement ou bien qu’elle est en train de se sortir d’une addiction, on comprend mieux les moments de nervosité pendant la journée de travail et donc on peut s’adapter.
Certaines personnes ont de l’or dans les mains et il leur faut juste les bons outils pour avancer par étapes. Par exemple, certaines personnes devront commencer par l’accès à la santé pour pouvoir passer le permis ensuite, devenir mobile et donc plus facilement employable. Notre boulot est d’aider les personnes à prendre conscience de là où elles en sont, de voir les comportements qui ont pu les desservir dans les emplois précédents sans qu’elles ne s’en rendent compte.
Quelle est la place de l’activité dans ce réapprentissage de la vie professionnelle ?
Les activités ne sont qu’un support à l’apprentissage. On leur apprend le recyclage des palettes mais ça ne veut pas dire qu’ils travailleront tout le temps sur des palettes ensuite, c’est plutôt un cadre qui nous permet de travailler le savoir être avec eux, venir à l’heure, afin que des patrons soient prêts ensuite à les accueillir et à les former à un métier. Il faut leur montrer qu’ils sont capables et ensuite le transférer à d’autres situations. On leur apprend à devenir quelqu’un de fiable, de confiance, et c’est très important.
Avant on triait le plastique mais ça n’était pas valorisant pour les salariés en insertion, maintenant on transforme le bois de fenêtre, on essaie de limiter la consommation de ressources naturelles en développant des solutions innovantes de réemploi, et ces valeurs-là les portent. En plus ce sont les métiers de demain. La diversité des activités autour de ces valeurs sont un objectif important pour l’association.
Pendant le covid, on ne savait pas quand on allait rouvrir, on a quand même maintenu un lien chaque semaine, et le 11 mai tout le monde était là. Il faut les maintenir dans un mouvement.