Le Black Friday est la caricature de notre consommation compulsive, dangereuse pour la planète. Nous pouvons devenir les acteurs d’une consommation choisie.
Le 24 avril 2013, l’effondrement brutal du Rana Plaza au Bangladesh lève le voile sur les conditions de travail trop souvent dramatiques dans l’industrie textile mondialisée. Ce millier de morts nous oblige toutes et tous à ne plus être indifférents aux coulisses de la fabrication de nos vêtements. Plus globalement, c’est tout un système qui est en cause: celui d’une production effrénée et d’une consommation compulsive aux impacts sociaux et environnementaux désastreux. En effet, notre consommation est directement liée à ces phénomènes mortifères: extinction vertigineuse de la biodiversité, dérèglement climatique, épuisement des ressources naturelles, surproduction de déchets, pollution des sols et de l’air… Comment ignorer l’impact environnemental des 518 kilogrammes de déchets ménagers produits par personne, en 2015, en France ? Est-il encore acceptable d’acheter 60% d’habits de plus qu’il y a quinze ans, mais de les garder deux fois moins longtemps ?
Aujourd’hui, l’urgence écologique se fait de plus en plus pressante. Les cris d’alerte se multiplient: l’avertissement à l’humanité signé par 15000 scientifiques, le rapport du GIEC sur la hausse globale des températures et celui du WWF sur la disparition de 60% des espèces d’animaux sauvages depuis 44 ans, indiquent tous la nécessité impérieuse d’une action rapide.
Cette situation inédite nécessite des changements politiques de grande ampleur. L’écologie ne peut plus être le cheval de bataille de quelques initiés: la mobilisation doit être générale. Seul un profond changement pourra endiguer le cataclysme climatique qui s’annonce. La signature de l’Accord de Paris, en décembre 2015, est le symbole de la prise de conscience des dirigeants politiques. Désormais, son application rigoureuse est impérative, et ce malgré le déni de certains climato-sceptiques. Il est nécessaire que cet accord historique soit accompagné de normes environnementales et sociales protectrices, pour que la préservation de nos écosystèmes s’affirme comme un enjeu central des décisions politiques.
Mais, outre cette responsabilité politique, il est grand temps que nous, citoyens, nous emparions de nos moyens d’action et devenions des acteurs conscients d’une consommation choisie, aux conséquences assumées. Dès lors que nous ancrons nos achats dans une démarche éthique, nous prenons le pouvoir d’agir pour un monde plus juste et plus durable. Responsabiliser notre consommation, c’est se saisir d’un large panel d’alternatives: réparer ou réemployer au lieu de jeter, préférer des produits biologiques, locaux, ou issus du commerce équitable, cerner réellement nos besoins d’achat, et même choisir de ne pas consommer lorsque cela n’est pas nécessaire.
La promotion d’une consommation plus respectueuse de l’environnement et des êtres humains s’oppose au modèle de consommation dominant, dont le Black Friday est la caricature la plus nette.
La promotion d’une consommation plus respectueuse de l’environnement et des êtres humains s’oppose au modèle de consommation dominant, dont le Black Friday peut être considéré comme la caricature la plus nette. Tradition venue des États-Unis, cette opération commerciale de promotions sur une large gamme de produits a pris de l’ampleur en France. Cette course aux bonnes affaires est cependant trompeuse: les réductions proposées sont en réalité souvent inférieures à 2% du prix initial sur les appareils électroniques et le gros électroménager. Surtout, créant des besoins artificiels et encourageant un réflexe de consommation pavlovien, cette journée de « super démarques » est aux antipodes de l’urgence sociale et écologique. Le Black Friday promeut une forme de consommation devenue kamikaze, irresponsable pour notre planète et aliénante pour les individus.
En réaction à ce phénomène d’hyperconsommation, ENVIE, acteur historique de l’économie circulaire et de l’insertion professionnelle, lance en 2017 le Green Friday©. Aujourd’hui, le mouvement s’élargit à plusieurs acteurs de la consommation responsable, ayant cofondé l’association Green Friday© avec ENVIE : Altermundi, le Réseau Francilien du Réemploi (REFER), Dream Act, Ethiquable, et Emmaüs France. Ce collectif d’acteurs engagés s’élargit déjà à plus d’une centaine de structures, et autant de visions de la consommation responsable, prouvant que les alternatives au déni consumériste ne relèvent pas d’une idéologie monolithique. Cette diversité montre qu’il n’y a pas « un bon » comportement d’achats, mais encourage l’éveil d’une conscience libre des enjeux de la consommation. Concrètement, le Green Friday© réunit des acteurs commerçants, comme de la société civile, qui s’engagent respectivement, le 23 novembre, jour du Black Friday, à reverser 15% de leur chiffre d’affaires du jour à des associations œuvrant pour une consommation plus durable, ou à organiser des événements de sensibilisation. Le Green Friday© est donc l’occasion d’inviter chacune et chacun à se saisir non plus de son « pouvoir d’achat », mais de son « pouvoir de l’achat », et ainsi à choisir l’économie, et donc la société, de demain.
Il est temps que nous, citoyens, nous emparions de nos moyens d’action et devenions des acteurs conscients d’une consommation choisie, aux conséquences assumées.
Ce renouveau des modes de consommation offre un rôle innovant à la puissance publique. Pour s’affirmer comme adjuvants de ce nouveau paradigme économique, et par là même acteurs de la transition écologique et sociale, les pouvoirs publics peuvent s’emparer d’un nouveau spectre d’outils: développer l’offre de commerces responsables, agir sur la commande publique dans le cadre des « schémas d’achats responsables », mais aussi stimuler la demande responsable des consommateurs. C’est cette démarche qui conduit la Mairie de Paris à soutenir et financer le Green Friday©, ou encore, comme l’ont fait Lyon ou Est Ensemble, à lancer un appel à projets « consommation responsable ».
Seule la mobilisation conjointe des citoyens consommateurs et des dirigeants économiques comme politiques permettra d’impulser une vraie responsabilisation des comportements de consommation, et à travers elle une responsabilisation de l’économie. Le Green Friday© se veut ainsi le précurseur de cette réaction à engager ensemble, dès le 23 novembre et tous les jours qui suivront, dans l’intérêt impérieux de la planète et de ses habitants.
➡ Retrouvez l’intégralité de la tribune sur le site du Huffington Post
Ils et elles ont signé cette tribune :
Jean-Marc Borello, Fondateur et Président du directoire du Groupe SOS / Anémone Berès, Présidente de la Fédération ENVIE et de l’association Green Friday© / Antoinette Guhl, Adjointe à la Maire de Paris en charge de l’Économie sociale et solidaire, de l’innovation sociale et de l’économie circulaire / Claire Chouraqui, Co-Fondatrice et Directrice générale de Dream Act / Hubert Trapet, Président d’Emmaüs France / Rémi Roux, Co-Fondateur d’Ethiquable / Aurélien Furet, Président du Réseau Francilien du Réemploi (REFER) / Mathieu Taugourdeau, Directeur général délégué Commerce et services du Groupe SOS / Thibaut Ringô, Directeur général d’Altermundi / Diane Scemama, Co-Fondatrice et Présidente de Dream Act / Stéphane Comar, Co-Fondateur d’Ethiquable / Christophe Eberhart, Co-Fondateur d’Ethiquable