« A Calais et ailleurs, la France ne respecte pas les Droits de l’Homme. Nous en appelons à l’homme d’Etat, et non à l’homme politique, pour appeler à faire société, y compris avec les plus vulnérables ».
Monsieur Le Président de la République,
Vous serez présent ce lundi à Calais, alors que l’Etat se prépare à déplacer, de gré pour certains, de force pour les autres, près de 10 000 personnes qui ont fui leurs pays dévastés pour chercher refuge en Europe. Nous souhaiterions que votre venue soit l’occasion d’une annonce forte, plus que nécessaire pour notre société aujourd’hui : celle d’une réelle volonté politique de remplir aux obligations, y compris internationales, d’un Etat de droit, c’est-à-dire d’accueillir les personnes qui nous demandent protection.
Depuis des années, une politique inadaptée aux enjeux de la situation n’a fait qu’ajouter de la souffrance, de la précarité, à des parcours déjà suffisamment abîmés. Aujourd’hui encore, alors que certaines avancées timides se font jour, elles apparaissent insuffisantes et liées à des stratégies électorales de très court terme, alors qu’elles devraient s’appuyer sur un projet politique de long terme, projet d’hospitalité et d’intégration.
Selon les récentes annonces, pour des raisons dites humanitaires, le bidonville de Calais devrait être démantelé dans les prochaines semaines. Encore une vision à court terme, qui ne résout rien pour les dizaines de personnes qui continueront à arriver quotidiennement à Calais, pour les milliers qui quittent chaque jour les zones de conflits et se dirigent vers l’Europe. Encore une gestion de masse, qui ne tient pas compte de l’histoire personnelle, du désir, des attaches, de chacun de ces exilé.e.s. C’est pourtant cette considération de chaque être humain en tant qu’individu, libre et égal en droits à chacun d’entre nous, qui permettra à ces hommes, femmes, enfants, de reprendre un parcours de vie, parmi nous. Qui permettra de lutter contre les discours nauséabonds et déshumanisants qui rendent inaudible une France ouverte, bienveillante et accueillante.
Nous vous demandons de sortir d’une logique gestionnaire de la dite « crise des réfugiés » et d’affirmer, si elle existe, une volonté politique à hauteur de la situation. Nous, acteurs associatifs, de par notre vocation, sommes garants du respect dû à toute personne en situation de vulnérabilité extrême, et n’avons pas à nous compromettre dans des choix et décisions mus par des calculs politiques qui ne nous appartiennent pas. Nous resterons simplement présents auprès des personnes qui nous demandent de l’aide. C’est à l’Etat français de se porter garant de ses obligations, en accueillant réellement et dignement les exilé.e.s, en garantissant des voies d’accès sûres et légales vers la France, vers l’Europe. C’est à l’Etat français de mettre un terme aux discours d’exclusion et de marginalisation portés par d’autres Etats dans les différentes institutions européennes et internationales.
A Calais et ailleurs, la France ne respecte pas les Droits de l’Homme. Nous en appelons à l’homme d’Etat, et non à l’homme politique, pour appeler à faire société, y compris avec les plus vulnérables.
◉ Signataires : Médecins du Monde /// Médecins sans Frontières /// L’Auberge des migrants /// Emmaüs Dunkerque /// Aide Migrants Solidarité (AMiS) /// ECNou /// Itinérance Dieppe /// ACCMV Minorités visibles /// Terre d’errance