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« Adoptons une loi contre les inégalités, au service de l’intérêt général »

« Adoptons une loi contre les inégalités, au service de l’intérêt général »

Un collectif de vingt-quatre responsables d’ONG et d’économistes, parmi lesquelsJean-François Julliard, Dominique Méda et Audrey Pulvar, appelle, dans une tribune au « Monde », à légiférer pour réduire les écarts de rémunération dans les entreprises, lutter contre l’évasion fiscale et renforcer la progressivité de l’impôt. Tribune publié dans Le Monde

L’an dernier, la croissance mondiale s’est élevée à 9,3 milliards de dollars. Tandis que près de 850 millions de personnes survivent dans l’extrême pauvreté avec moins de 1,9 dollar par jour, 82 % de cette croissance a bénéficié aux 1 % les plus riches. Les 50 % les plus pauvres n’en ont pas reçu une miette.

Le chiffre est accablant, presque irréel. Il symbolise le fossé toujours grandissant entre les plus riches et les plus pauvres. La France n’échappe pas à ce constat : entre 2016 et 2017, les 10 % les plus riches détenaient plus de la moitié des richesses nationales quand les 50 % les plus pauvres ne s’étaient partagé que 5 % du gâteau, et tandis que le nombre de personnes en situation de pauvreté a augmenté de 1,2 million de personnes en 20 ans.

Au rythme actuel, l’explosion des inégalités est en voie de constituer, avec le réchauffement de la planète, l’une des menaces majeures du XXIe siècle. Les inégalités ne sont pourtant pas une fatalité : elles résultent d’une succession de choix politiques et économiques qui ont abouti à la création d’une économie biaisée. Cette économie, dans laquelle le partage, la solidarité et l’intérêt général ont été délaissés au profit d’une logique de court terme, nous mène droit dans le mur.

Un meilleur partage des richesses

Les grandes entreprises, au cœur desquelles une grande partie de la richesse économique est créée, portent une responsabilité lourde dans la situation actuelle et doivent jouer un rôle dans la lutte contre les inégalités. En leur sein, les écarts de salaires entre les employés le long de la chaîne de production, l’évasion fiscale qui atteint des sommets vertigineux ou la rétribution record des actionnaires, dessinent une société où la rémunération de la fortune supplante de très loin celle du travail. Ces injustices ne peuvent plus durer. Des alternatives existent pour emprunter la voie d’une économie plus humaine et inclusive et permettre un meilleur partage des richesses.
Sans mesures fortes, les pays pauvres et riches resteront privés de leurs recettes fiscales, tandis que les personnes les plus vulnérables, souvent des femmes payées à des salaires qui les enferment dans la pauvreté, demeureront privées d’un accès digne à leurs droits fondamentaux et à des services publics essentiels. Sans mesures fortes, la France, où les inégalités se creusent également, verra ses citoyens et ses petites entreprises payer la facture des pratiques moralement irresponsables de grandes entreprises, dans un climat de stigmatisation des plus pauvres qui ne font que subir un système économique injuste.

Sans mesures fortes, comme le reconnaissent de plus en plus d’institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l’OCDE, cet accroissement continu des inégalités, in fine, portera atteinte à la croissance et à la prospérité économique de tous et de toutes.

Développer de bonnes pratiques

Il est temps de tourner le dos à une économie qui ne profite qu’aux 1 % de personnes les plus riches, avec des impacts humains, environnementaux et sociaux ravageurs. L’indignation mondiale et populaire contre les inégalités doit aujourd’hui se transformer en une mobilisation citoyenne, pour que nous pesions de tout notre poids pour rééquilibrer la balance et permettre aux 99 % de vaincre les inégalités et d’éradiquer la pauvreté.

Les acteurs économiques et les différentes parties prenantes de l’entreprise doivent jouer un rôle moteur pour développer des bonnes pratiques. Mais ce combat ne peut être gagné sans mesures publiques ambitieuses. C’est pourquoi, nous lançons cet appel à Emmanuel Macron, au gouvernement et aux parlementaires pour qu’ils adoptent une loi contre les inégalités, au service de l’intérêt général.

Cette loi reposera sur trois piliers garantissant une réduction des inégalités. D’abord, un partage équitable de la richesse créée au sein des entreprises, entre tous les salariés et les actionnaires. Ensuite, la lutte contre l’évasion fiscale pour financer les services publics qui réduisent les inégalités. Et enfin, la défense d’un impôt juste et progressif permettant une redistribution équitable des richesses.

Avec cette loi, Emmanuel Macron a l’opportunité de faire de la France un pays pionnier dans la lutte contre les inégalités et dessiner les contours d’une économie plus humaine, inclusive et responsable. Gageons qu’il saura se mettre du bon côté de la balance et la faire pencher pour une société délestée du lourd poids des inégalités extrêmes !

La liste des signataires de l’appel : Patrick Bertrand, directeur exécutif Action santé mondiale de Global Health Advocates ; Sylvie Bukhari de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire ; Florent Compain, président des Amis de la Terre ; Sandra Cossart, directrice de Sherpa ; Marie Duru-Bellat, sociologue, Sciences Po ; Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde ; Jean-Marie Fardeau, responsable associatif ; Claire Fehrenbach, directrice générale d’Oxfam France ; Florence Jany-Catrice, économiste, université Lille-1 ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace ; Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France ; Aurore Lalucq, codirectrice de l’Institut Veblen pour les réformes économiques ; Dominique Méda, philosophe et sociologue, université Paris-Dauphine ; Christian Mouchet, président du conseil de fondation de la Fondation pour le progrès de l’homme ; Birthe Pedersen, présidente d’ActionAid France – Peuples Solidaires ; Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme ; Cécile Renouard, philosophe, enseignante-chercheuse, Essec ; Thomas Ribémont, président d’Action contre la faim ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre ; Dr. Françoise Sivignon, présidente de Médecins du monde France ; François Soulage, président du Collectif Alerte ; Henri Sterdyniak, co-animateur des Economistes atterrés ; Xavier Timbeau, économiste, Sciences Po ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac France.

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