Le Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) géré par Emmaüs Bussières et Pruns accueille en moyenne une cinquantaine de personnes, familles et personnes isolées. Dès les premiers jours, un suivi global – la marque Emmaüs ! – leur est proposé par l’équipe salariée du CADA. Sandrine Baury, conseillère en économie sociale et familiale, y travaille depuis plus de dix ans. Interview.
Comment se déroule l’arrivée au CADA des personnes qui y sont adressées ?
Les personnes qui arrivent au CADA ont déjà déposé leur demande d’asile. Auparavant elles étaient hébergées à l’hôtel, dans des associations qui aident les demandeurs d’asile, ou, parfois, vivaient dans la rue. Elles arrivent les mains vides ou presque, et nous commençons par leur donner un trousseau d’accueil. Des vêtements chauds notamment, car en Auvergne l’hiver est rude. Puis un pot d’accueil est organisé, pour leur présenter les autres résidents et faciliter leur intégration dans la vie de la structure. Entretien individuel et visite médicale sont également organisés au plus vite, afin de poser les jalons de l’accompagnement global qui va leur être proposé.
Quels sont les points d’attention incontournables pour votre équipe ?
En tant que CADA Emmaüs, une grande attention est évidemment portée à la qualité de l’accueil. Parallèlement, la santé des personnes est tout de suite évoquée. Certaines ont vécu de graves traumatismes, et les enfants, incontestablement, méritent une attention particulière. Très rapidement, nous devons préparer les adultes pour leur convocation à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Une étape cruciale dans le parcours de la demande d’asile. Ils sont seuls dans un bureau face à l’officier de l’Ofpra, avec leur histoire, et le stress est maximal. Une fois cette première étape effectuée, la réponse peut se faire attendre pendant un an, voire largement plus…
Comment, dès lors, les personnes hébergées au CADA arrivent-elles à gérer l’attente ?
Ce temps long est très difficile à vivre pour les demandeurs d’asile, et ce d’autant plus que, durant un an, ils n’ont pas le droit de travailler. On essaye de les aider à trouver une branche à laquelle se raccrocher. Certains vont s’investir sans retenue dans l’apprentissage de la langue française, d’autres vont se consacrer à leurs enfants et au suivi de leur scolarité. D’autres enfin, profitent de ce temps pour régler des problèmes de santé trop longtemps laissés de côté…
N’est-il pas douloureux au quotidien d’avoir à faire face à ces histoires de vie souvent dramatiques ?
Ce n’est pas un scoop, mais en ce moment, la plupart des personnes sont déboutées de l’asile et voient leurs demandes refusées, après ces longs mois d’attente…. Et ça, c’est très difficile à accepter : il n’y plus de solution pour eux, pas de relogement, pas de ressources… Ils doivent quitter le CADA, mais pour aller où ? Les histoires sont sincères, sont complexes, et pour faire son travail il faut tenter de prendre un peu de recul, de ne pas trop s’attacher… Une posture presque impossible à tenir, d’autant plus que les personnes sont à nos côtés de plus en plus longtemps, en raison des délais d’attente…
La situation dans l’hexagone sur les questions d’asile et d’immigration semble loin de s’améliorer… Qu’est-ce qui vous aide à poursuivre votre mission ?
Je travaille au CADA Bussières et Pruns depuis plus de dix ans, et beaucoup de choses m’invitent à rester. Le lien établi avec les personnes qui vivent ici est fondamental, merveilleux. Le contact, la découverte d’autres cultures… Les résidents nous invitent dans leurs appartements, nous racontent des histoires, nous font découvrir des spécialités de leur pays… Toutes ces familles nous apportent énormément.