Ces derniers mois, les annonces sécuritaires pleuvent, les lois répressives s’accumulent et les discours démagogiques asphyxient l’espace politique et médiatique. C’est une surenchère incessante pour punir toujours plus et toujours plus fort. S’il n’a jamais été autant question de prison, il n’a jamais été aussi peu question du sens de la peine.
Muets sur le scandale des prisons françaises, pourtant empêtrées dans l’insalubrité, la surpopulation et les carences d’accompagnement, Gouvernement et Parlement semblent bien décidés à agir main dans la main pour radicaliser le paysage pénal et pénitentiaire.
Ici, la possibilité que des enfants puissent être jugés en comparution immédiate, procédure judiciaire la plus expéditive et la plus pourvoyeuse d’emprisonnement que connaisse la justice française, piétine définitivement l’idée d’une justice adaptée où l’éducation prévaut sur la répression. Là, le retour des prisons de haute sécurité, abandonnées il y a plus de quarante ans, traduit une banalisation alarmante d’un quotidien carcéral fait d’isolement quasi-total et de fouilles à nu systématiques, sur décision
administrative et pour une durée illimitée. En parallèle, la suppression de la possibilité de voter par correspondance, modalité utilisée par 95% des personnes détenues votant, pour les élections municipales, régionales, départementales et législatives acte, dans les faits, l’exclusion de la vie politique de l’une des populations les plus précaires et marginalisées de la République.
Sur le terrain, le gouvernement n’a pas hésité à alimenter une polémique fondée sur une campagne de désinformation pour mettre à mal une politique de réinsertion déjà réduite à peau de chagrin. Les conséquences de son appel à interdire toute activité « ludique » ou « provocante » en prison ont été aussi désastreuses que prévisibles : plus de 150 activités ont été annulées ou suspendues dans au moins 74 prisons. Trois mois après cette instruction, le Conseil d’Etat la censurait partiellement : l’interdiction des
activités « ludiques » est illégale et celle des activités « provocantes » doit être strictement circonscrite. Si cette décision a le mérite de rappeler que le droit ne s’arrête ni aux portes des prisons ni à celles du ministère, cet épisode politico-médiatique aura laissé de sérieuses séquelles à la (ré)insertion.
La seconde mi-temps de 2025 risque d’être aussi dramatique. Outre l’appel régulier à durcir les peines prononcées à l’aune d’événements publics médiatisés au nom d’une répression rendue pour l’exemple comme ce fut encore récemment le cas post-victoire footballistique, les annonces pleuvent : rétablissement des peines planchers, promesse de nouvelles places de prison « modulaires », fichage des personnes détenues étrangères à la faveur de transferts et d’expulsions, location de places de conférence de presse
pénitentiaires, diminution du recours aux aménagements de peine, ou encore suppression de la peine de prison avec sursis alors même que, selon la Cour des comptes, le taux de récidive après un sursis simple serait de 36% dans les cinq ans contre 63% après une peine de prison ferme inférieure ou égale à deux ans.
Si la dynamique n’a rien de nouveau, le raz de marée actuel est d’une ampleur inédite. Au-delà des sphères pénales et pénitentiaires, c’est un véritable bouleversement social auquel nous faisons face. Car, comme en témoignait une personne détenue interrogée par Emmaüs-France et le Secours catholique dans une enquête publiée fin 2021, « c’est la précarité qui remplit les prisons. Moi j’en ai croisé beaucoup en promenade. Ce sont des voleurs, des sans-papiers, des mules, ces gens qui transportent de la drogue parce qu’ils n’ont pas d’argent ». Une analyse loin d’être anecdotique : aux côtés du traitement médiatique de l’insécurité, les crises économiques constituent l’un des « deux contextes conjoncturels qui favorisent la croissance du nombre de personnes détenues », peut-on lire dans une publication d’août dernier de la direction de l’administration pénitentiaire. Ces crises économiques entraînent « une augmentation du nombre de personnes dites « fragiles » (demandeurs d’emploi, personnes sans ressources, etc.), pour lesquelles, à infraction égale, des peines de prison fermes sont plus fréquemment prononcées ».
Cette politique a un coût humain, sociétal et financier immense. Ce sont des dizaines de milliers de citoyens et citoyennes entassées dans l’indignité la plus totale, des centaines de milliers de proches, de femmes, d’enfants, qui la subissent par ricochet, et tous les citoyens et toutes les citoyennes qui en payent le prix.
Les solutions existent. Elles sont à portée de main. Encore faut-il souhaiter que les atteintes aux droits fondamentaux cessent, et qu’une véritable réflexion soit menée sur le sens de la sanction pénale et sur la place de la prison dans notre société. Pour ce faire, il est absolument nécessaire de remettre l’information et l’humain au coeur des discours et des travaux.
Nos 35 organisations professionnelles ou associations de défense des droits fondamentaux, intervenant auprès des personnes détenues ou sortant de prison, composées notamment de membres du corps judiciaire, pénitentiaire, enseignant, soignant, du travail social et de l’insertion, de l’avocature ou encore de bénévoles et d’anciennes personnes détenues, vous invitent à en discuter dans le cadre d’une conférence de presse le mardi 24 juin.
Conférence de presse
L’Observatoire international des prisons et d’autres organisations du milieu prison-justice vous invite à la conférence de presse :
Mardi 24 juin de 10h45 à 13h – La Cimade 91 Rue Oberkampf, Paris 11e
Cette rencontre sera l’occasion de revenir sur les orientations les plus récentes des politiques pénales et pénitentiaires, dans un contexte de durcissement assumé, aux conséquences humaines et sociales graves.
Six organisations représentantes interviendront : Syndicat de la Magistrature, La Cimade, l’Observatoire international des prisons, la CGT Insertion Probation, Emmaüs France, et le Syndicat des Avocats de France. D’autres organisations signataires seront également présentes pour partager leurs ressources et échanger avec vous.
Les organisations signataires :
A3D (Avocats pour la défense des droits des détenus), ACAT France, ADAP (Association des avocats pénalistes), Anaec (Association Nationale des Assesseurs Extérieurs en Commission de discipline des établissements pénitentiaires), ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines), ANVP (Association Nationale des Visiteurs de Personnes sous main de justice), Arapej 41, ASPMP (Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire), Association des Anciens du Genepi, Ban Public, CGT IP (Insertion Probation), Cimade, Citoyens et Justice, CLIP (Club informatique pénitentiaire), CNB (Conseil national des barreaux), Collectif La Friche, Collectif Presse Papiers, Conférence des bâtonniers, Emmaüs France, FARAPEJ, Féministes Révolutionnaires Paris, Fondation Monique Desfosse, FNUJA (Fédération nationale des unions de jeunes avocats), LDH (Ligues des Droits de l’Homme), Le Cri, Lucarne d’Ariane, OIP-SF (Observatoire international des prisons – section française), Possible, Pulsart, SAF (Syndicat des Avocat.es de France), Secours Catholique / Caritas France, SM (Syndicat de la magistrature), Snepap FSU, SNPES PJJ FSU, UNDPIP (Union nationale des Directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation)
Contact presse
Manon Folléa
Responsable éditorial et relations presse