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Loi sur la fast-fashion : la société civile demande un malus pour les marques qui commercialisent plus de 5 000 nouveaux modèles de vêtements par an

Loi sur la fast-fashion : la société civile demande un malus pour les marques qui commercialisent plus de 5 000 nouveaux modèles de vêtements par an

Paris, le 19 février 2024 – Alors qu’une proposition de loi sur la fast-fashion s’apprête à être débattue à l’Assemblée nationale et qu’une deuxième vient d’être annoncée, la coalition Stop Fast-Fashion salue l’ouverture d’une réflexion sur les pratiques du secteur de la mode et appelle les parlementaires à adopter un texte ambitieux pour mettre fin à ce système de surproduction délétère pour l’emploi et l’environnement. 

Une proposition de loi historique, qui demande à être améliorée

Déposée fin janvier par le groupe Horizons, dont sont issus le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu et l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, cette proposition de loi vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Elle définit la fast-fashion en fonction des quantités de modèles proposés et des fréquences de renouvellement des collections, et prévoit de sanctionner financièrement cette pratique, via un malus sur les produits textiles, pouvant aller jusqu’à 10€ par article. Le texte propose en outre d’interdire la publicité pour les produits et marques de fast fashion. Une autre proposition de loi, qui vise à sanctionner les marques mettant en vente plus de 1000 nouveaux modèles par jour, a été annoncée par le député Les Républicains Antoine Vermorel-Marques.

Il s’agit d’une initiative attendue depuis bien longtemps”, analyse Pierre Condamine, chargé de campagne surproduction aux Amis de la Terre France. “En particulier, le texte du groupe Horizons propose de définir et pénaliser la fast-fashion mais se cantonne à un seul critère, celui de la rotation rapide des modèles. Pourtant, la fast-fashion ne se limite pas à Shein, c’est aussi et surtout des enseignes qui vendent des quantités astronomiques de vêtements, telles que Primark, Kiabi, Décathlon ou encore Action. Il faut également s’attaquer aux quantités mises en marché, aux prix trop bas et aux promotions pour en finir avec ce désastre environnemental et social qu’est la fast-fashion”.

Cette proposition de loi est une opportunité historique d’avoir un débat démocratique sur les pratiques de l’industrie textile”, complète Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer de Zero Waste France. “Mais pour qu’elle ne devienne pas une occasion manquée, il faut définir la fast-fashion : par exemple, sanctionner uniquement les entreprises qui mettent plus de 1 000 modèles par jour sur le marché, ce ne serait pas suffisant. Si nous voulons collectivement mettre fin à la fast-fashion en France, il faut un malus pour toutes les marques qui commercialisent plus de 5 000 nouveaux modèles de vêtements par an”.

La proposition de loi déposée par le groupe Horizons doit être discutée à l’Assemblée nationale, d’abord en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à partir du 5 mars 2024, puis le 14 mars en séance publique, lors de la niche parlementaire du groupe.

La fast-fashion, un fléau social et environnemental

Avec 3,3 milliards d’articles commercialisés en France en 2022, soit 48 par habitant·e, jamais autant de vêtements et chaussures n’ont été vendus sur le territoire. En parallèle, le secteur n’a jamais semblé se porter aussi mal : 10 000 emplois auraient été perdus en un an300 000 depuis les années 1990.

Selon Emmaüs, “en France, le boom de la fast-fashion coïncide avec une explosion des volumes jetés chaque année, souvent de trop mauvaise qualité pour être réemployés. La part de textiles encore en bon état est ainsi passée de 64% à 55% en moins de 10 ans, augmentant la part de textiles destinés au recyclage ou à l’incinération. Les associations de la collecte et du réemploi solidaire comme Emmaüs sont donc témoins et victimes des méfaits de la fast-fashion. Il faut en finir avec les ravages de cette industrie en limitant les volumes qu’elle a aujourd’hui la possibilité de mettre en marché, et ainsi favoriser la vente de produits de qualité, écoconçus, réparables et réemployables.”

Dans le monde, le secteur textile représente désormais jusqu’à 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et 26 % en 2050 si le rythme actuel d’augmentation des volumes de production se poursuit. “80% de l’impact environnemental de nos produits provient du processus de production. Si nous voulons réduire l’impact environnemental du secteur textile, il est impératif d’encadrer la production par l’instauration de normes contraignantes et dissuasives pour les producteurs” précise Axèle Gibert, chargée du réseau prévention des déchets chez France Nature Environnement. “L’instauration d’un malus sur les nouvelles unités de vente est un premier pas encourageant vers la réduction de la production et donc, vers la réduction des émissions de GES produites par ce secteur.

La fast-fashion est l’incarnation de la société du tout jetable et les produits trop vite obsolètes qui en découlent peuvent être mis sur le marché sans aucune restriction alors même qu’ils ont des impacts déplorables” rappelle Laetitia Vasseur, Déléguée générale de HOP // Halte à l’Obsolescence Programmée. “En plus de réguler les volumes, les décideurs publics et les metteurs sur le marché ont la responsabilité d’agir sur les pratiques marketing et commerciales qui font la promotion de ce modèle pour stopper cette machine infernale, préserver l’environnement et protéger les consommateurs et consommatrices.”

Les textiles synthétiques sont aussi l’un des premiers contributeurs à la pollution aux microplastiques dans les océans. “La fast-fashion est une industrie hyper polluante à toutes les étapes, de la production au rejet de microplastiques en passant par le suremballage”, détaille Magali Payen, fondatrice d’On Est Prêt. “C’est aussi un révélateur de notre société de surconsommation et du tout-jetable, qui sont des valeurs qu’il est nécessaire de rendre obsolètes. On le rappelle : à chaque cycle de lavage, les vêtements synthétiques libèrent des millions de microfibres plastiques qui intègrent le cycle de l’eau et contaminent nos océans et la pluie. Ce phénomène est alarmant quand on sait que les microplastiques, persistants et presque impossibles à éliminer, représentent un fléau pour la santé publique. Il faut donc s’attaquer à la source du problème en réduisant la production de textiles.”

La lutte contre la fast-fashion ne peut faire l’impasse sur le lien indissociable entre exploitation humaine et destruction de la planète, comme le rappelle Salma Lamqaddam, chargée de campagnes à ActionAid France : « On ne peut pas s’attaquer au modèle prédateur de la fast-fashion en mettant de côté ces millions de travailleurs et travailleuses qui, en bout de chaîne, subissent l’impunité des multinationales de la mode, quelle qu’elles soient. Faut-il encore le rappeler ? Derrière les collections sans cesse renouvelées et les prix cassés, il y a des travailleuses anonymes vivant sur des salaires indignes, des conditions de travail déplorables et des violences de genre graves. Pour une industrie de la mode plus durable il faut une réponse triple : justice environnementale, justice sociale et économique. »

Catherine Dauriac, Présidente de Fashion Revolution France, renchérit : “Nous sommes face à un choix de civilisation. Avons-nous encore envie de voir plus de 60 millions d’enfants au travail, des millions de travailleuses et de travailleurs du textile contraints au travail forcé ou à l’esclavage ? Tout cela pour qu’ici la consommation s’accélère poussée par une surproduction délétère et une publicité toujours plus agressive  ? La responsabilité en incombe aux marques. Notre devoir est de les stopper dans cette course effrénée qui ne respecte ni la planète ni le vivant”.

Pour Valeria Rodriguez, Responsable du plaidoyer chez Max Havelaar France, « encadrer la surproduction est une étape nécessaire, pas seulement pour réduire l’impact environnemental du secteur textile, mais aussi son impact social sur les droits de celles et ceux qui fabriquent nos vêtements. Mais il faudra aller plus loin et encadrer les pratiques commerciales des marques avec leurs fournisseurs : modifier ou annuler des commandes à la dernière minute, payer sous les coûts de production, cela doit devenir illégal. Ce sont ces pratiques qui sont à l’origine des salaires de misère et des conditions de travail indignes sur lesquelles repose la fast-fashion. La France doit le porter au niveau européen, premier marché mondial pour l’habillement. »