Emmaüs International et Emmaüs France ont proposé à Céline Béraud, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), de présider les travaux de la commission d’étude annoncée par le Mouvement en septembre. Dans le cadre de cette mission, qu’elle a acceptée, Céline Béraud aura d’abord la responsabilité de constituer librement autour d’elle une équipe d’expert.e.s, dont l’objectif sera de mettre au jour et d’analyser les mécanismes qui ont permis à l’abbé Pierre de ne pas être inquiété publiquement pendant plus de 70 ans pour ses actes de violences sexuelles.
La commission devra également et autant que possible établir le niveau d’information qu’avait le Mouvement sur les agissements de l’abbé Pierre aux différentes époques de son histoire, et déterminer quelle a été l’attitude des personnes en responsabilité face à ces informations.
Sur ce sujet particulièrement sensible, il nous semble primordial de laisser désormais cette équipe experte procéder au long travail d’analyse qui sera le sien, en toute sérénité. La commission élaborera son plan de travail de façon totalement indépendante, sur la base des objectifs définis en concertation avec Emmaüs International.
La commission disposera d’un accès complet aux archives de l’abbé Pierre et d’Emmaüs International, et pourra consulter, avec l’accord des victimes, les comptes-rendus intégraux des entretiens menés par le cabinet Egaé dans le cadre de son travail d’écoute mené à la demande du mouvement Emmaüs au cours de l’année 2024.
Enfin, la commission pourra organiser l’audition des personnes de son choix, témoins, expertes, proches ou membres de la famille de l’abbé Pierre.
Le mouvement Emmaüs a toute confiance dans le travail de cette commission pour répondre aux objectifs qui lui seront fixés et qui font également écho à des questionnements partagés au sein de nos organisations et au-delà.
La composition complète de la commission sera annoncée avant la fin de l’année, et ses travaux débuteront début 2025, pour une durée estimée de 2 ans.
À propos de Céline Béraud :
Sociologue, Céline Béraud est directrice d’études à l’EHESS et membre du Centre d’études en
sciences sociales du religieux (CéSor). Ses recherches portent principalement sur les questions
de genre et de sexualité dans le catholicisme, ainsi que sur la religion dans les institutions
publiques. Elle s’y intéresse tout particulièrement aux modalités d’exercice de l’autorité. En
2021, elle a publié Le Catholicisme français à l’épreuve des scandales sexuels (éditions du Seuil).
Elle a été membre du Groupe de travail sur « l’analyse des causes des violences sexuelles dans
l’Église » mis sur pied dans le sillage du rapport Sauvé et elle a participé au comité scientifique
qui a accompagné la commission d’étude mandatée par l’Arche internationale pour éclairer les
mécanismes d’emprise psychologique et les abus sexuels commis par Thomas Philippe et Jean
Vanier.
Adrien Chaboche, délégué général d’Emmaüs International :
« C’est un grand pas pour Emmaüs de mettre en place cette commission. Nous le savons et les
témoignages de ces derniers mois nous le confirment : il est impossible de penser, lorsqu’on
connaît les mécanismes des violences sexuelles, que de tels faits aient pu exister sans que
personne ne soit informé. Il reste à déterminer ce que savaient exactement ces personnes,
notamment sur la nature des actes et sur leur ampleur, et comprendre pourquoi ces personnes
ont fait les choix qu’elles ont fait. Nous espérons que cette commission nous permettra de
répondre aux nombreuses questions qui subsistent, et qu’elle nous aidera à prévenir de tels
comportements à l’avenir, au sein d’Emmaüs comme dans toutes les organisations de la société
civile. »
Céline Béraud, présidente de la commission d’étude :
« Les révélations relatives à l’abbé Pierre, qui ont été faites ces derniers mois, ont suscité une
grande émotion collective et une vive indignation. L’une des gageures est de saisir et d’analyser
les mécanismes qui ont permis de produire du silence durant plusieurs décennies autour de ces
faits très graves et conduit à ce que le prêtre ne soit condamné ni en interne par Église ni
dénoncé à la justice civile. Ces mécanismes sont à chercher tant du côté de l’institution
ecclésiale, que d’autres mondes sociaux dans lesquels l’abbé était une figure importante et
respectée pour son action auprès des plus pauvres. »