Le 18 juin prochain, la France co-présidera une conférence internationale des Nations-Unies « pour le règlement pacifique de la question palestinienne et la mise en œuvre de la solution à deux états ». Cette conférence fait suite à une résolution historique de l’Assemblée Générale des Nations-Unies prise en septembre 2024, qui exige d’Israël de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé au plus tard 12 mois après son adoption.
A cette occasion, Emmaüs France, Emmaüs Europe et Emmaüs International ont co-signé et envoyé une lettre ouverte au gouvernement français. Dans cette lettre, nous réclamons des actes ! Malgré les condamnations de la communauté internationale, les autorités israéliennes continuent d’anéantir la population palestinienne. La France doit prendre des mesures concrètes et immédiates à tous les niveaux pour faire cesser le massacre.
Sujet : Mesures de la France contre le gouvernement israélien et Conférence internationale “pour le règlement pacifique de la question palestinienne et la mise en oeuvre de la solution des deux Etats”
Monsieur le Président de la République,
Nous saluons les récentes prises de position de la France pour condamner les atrocités commises par le gouvernement israélien sur la population civile palestinienne. Nous saluons également le message porté par la France lors de la réunion de travail préparatoire en vue de la conférence internationale pour le règlement pacifique de la question palestinienne et la mise en oeuvre de la solution à deux Etats1. Ces déclarations sont une étape nécessaire pour changer le traitement politico-médiatique de la situation dans la bande de Gaza. Il y a urgence. Il faut agir vite et fort.
Le 7 octobre 2023, nous avons été sidérés par les actes d’une violence inouïe, commis par le Hamas, à l’égard de populations civiles, israéliennes et internationales. Les tueries de masse et les prises d’otages constituent des crimes, et nous les avons dénoncés comme tels.
Depuis bientôt 600 jours, le peuple palestinien subit les attaques de l’armée Israélienne. Les pertes humaines au sein de la population civile sont immenses. Il ne nous appartient pas, à nous, organisations de lutte contre la pauvreté, de qualifier juridiquement les crimes commis contre ce peuple, dont l’histoire des 70 dernières années est marquée par la violence et les injustices. Mais nous n’avons pas besoin d’être des juristes ou des historiens pour voir la réalité, l’horreur et le caractère criminel des actes commis.
Nous n’avons pas non plus besoin d’être des géopoliticiens pour dire que de tels crimes sont d’autant plus inacceptables qu’ils sont commis par un Etat démocratique, allié de longue date aux Etats qui, à l’issue de la seconde guerre mondiale, ont posé les principes de droit international qui devaient justement interdire la commission de tels crimes. La France fait partie de ces pays, et votre responsabilité dans la résolution de ce conflit, Monsieur le Président, est importante.
C’est pourquoi nous croyons nécessaire aujourd’hui de vous écrire pour vous demander, Monsieur le Président, de traduire en actes vos récentes condamnations.
Nous ne pouvons pas attendre un jour de plus pour durcir la position collective contre le gouvernement israélien, tel que vous l’avez annoncé dans une récente conférence de presse à Singapour. Il ne fait plus aucun doute que, en l’état, la politique de Benyamin Netanyahou ne changera pas et n’apportera aucune réponse à la hauteur de la situation humanitaire dans la bande de Gaza. Il y a quelques jours encore, il annonçait la création de 22 nouvelles colonies juives en Cisjordanie, s’asseyant ouvertement sur les condamnations quasi unanimes de la communauté internationale et les principes du droit.
La France peut et doit jouer un rôle à tous les échelons pour accentuer la pression sur le gouvernement israélien et faire cesser l’horreur. Toute attente supplémentaire devient criminelle. C’est pourquoi, Monsieur le Président, nos trois organisations, et avec nous, toutes les associations membres du Mouvement Emmaüs, vous demandons d’agir pour :
A l’échelle de la France :
· Soutenir plus fortement les procédures judiciaires en cours sur les crimes de guerre commis à Gaza y compris en coopérant avec la Cour pénale internationale et en mettant en oeuvre les décisions de la Cour internationale de justice ;
· Faire pression pour un cessez-le-feu immédiat et durable et l’acheminement immédiat d’une aide humanitaire gérée par les organisations des Nations Unies et les ONG indépendantes dans la bande de Gaza ;
· Reconnaître l’Etat de Palestine et porter cette ambition au sein de la communauté internationale
A l’échelle de l’Union européenne, au regard de toutes les violations des droits humains perpétrées par les autorités israéliennes, et en vue notamment du Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne du 23 juin et du conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement du 26 juin :
· Imposer un embargo sur les armes de tous les pays européens ;
· Imposer un embargo sur les produits issus des colonies israéliennes ;
· Défendre une suspension globale de l’accord UE-Israël ;
A l’échelle internationale, en vue de la conférence que la France co-présidera aux côtés de l’Arabie Saoudite :
· La mise en oeuvre de toutes les mesures permettant l’application de la résolution adoptée le 18 septembre 2024 par l’Assemblée générale des Nations Unies afin d’obtenir la fin de l’occupation et de la colonisation, par des sanctions contre Israël
Vous avez déclaré que reconnaître l’Etat de Palestine était une exigence politique et un devoir moral. Nous devons insister sur la nécessité d’y procéder sans condition, car l’existence de deux Etats souverains ne peut pas être une conséquence de la paix, elle en est au contraire une condition nécessaire. Poser comme conditions préalables à cette reconnaissance des actes qui dépendent d’une
organisation comme le Hamas, revient à placer l’avenir de l’ensemble du peuple palestinien entre les mains de cette organisation. Ce serait profondément injuste. De plus, reconnaître l’Etat de Palestine sans mettre fin au blocus ne changera en rien la situation des palestiniens et palestiniennes.
En tant qu’organisation internationale dont les 430 membres agissent au quotidien pour la dignité et la justice sociale, nous vous demandons d’agir avec courage et détermination pour que la France n’ait pas à répondre de sa complicité dans un génocide, aujourd’hui reconnu par des organisations internationales indépendantes comme par les juridictions des Nations Unies.
Dans l’attente de votre réponse, nous sommes à la disposition de votre gouvernement pour toute rencontre qui nous permettrait d’expliciter chacun de ces points.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président de la République, nos sincères salutations.
Carina Aaltonen
Présidente d’Emmaüs Europe
Patrick Atohoun
Président d’Emmaüs International
Bruno Morel
Président d’Emmaüs France
📢 Emmaüs International est également impliqué ou à l’initiative de plusieurs actions relatives à Gaza :
✅ signature et relais de l’appel international pour la mise en place d’un convoi humanitaire diplomatique à Gaza ;
✅ appels à mobilisation partout en France, notamment le 14 juin prochain ;
✅ soutien financier « Solidarité Moyen-Orient » pour répondre à la situation d’urgence en Palestine mais aussi soutenir des projets de plus long terme : éducation, développement économique, accès aux droits…