En ce lendemain d’élections législatives, nous pouvons d’abord être soulagés d’avoir évité le pire. Emmaüs a pris sa part dans le combat qui devait être mené pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Ce combat n’est pas partisan : il ne s’agit pas de soutenir tel ou tel parti politique mais de préserver notre pays d’une menace au potentiel très destructeur, surtout pour les plus fragiles.
Au risque de nous répéter, assumons et réassumons de nouveau ce choix : donner son bulletin de vote à l’extrême droite est une manifestation de détresse, de colère ou de sentiment d’impuissance à laquelle nous, acteurs et actrices de la solidarité ne pouvons rester insensibles. Il est donc tout autant de notre devoir de prêter attention à ce mal-être croissant que de dénoncer la grande supercherie de celles et ceux qui font croire qu’ils parviendront à y répondre en ciblant des boucs émissaires.
Après le temps du soulagement, vient très rapidement celui d’une nouvelle inquiétude, car la menace demeure, et elle nous oblige à rester vigilants et déterminés. L’extrême droite a gagné près de 100 sièges à l’Assemblée nationale : cette percée ne doit pas être normalisée.
Ce sera tout l’enjeu de ces prochains mois : éviter une société de repli sur soi, de la peur, de l’individualisme et du rejet.
C’est pour cela que nous appelons le futur Gouvernement à un choc de solidarité. Nous pourrions ainsi lui proposer diverses mesures d’importance attendues par notre secteur. Plutôt que de déconstruire la loi SRU, il faut relancer la production de logements sociaux. Il faut mobiliser des places d’hébergement à hauteur des besoins et ne plus remettre en cause l’inconditionnalité de l’accueil avec un système inacceptable de priorités selon les vulnérabilités. Il faut maintenir l’Aide Médicale d’État (AME), lutter contre la perte de pouvoir d’achat qui affecte un nombre croissant de citoyens, abandonner des réformes qui pénalisent les demandeurs d’emploi, revaloriser les minima sociaux, soutenir tous les dispositifs qui favorisent l’insertion par l’activité économique… Il faut également engager une véritable révolution écologique et solidaire : adopter des modes de production et de consommation plus sobres et respectueux de l’environnement, développer des emplois verts, le réemploi solidaire, l’agroécologie, et davantage prendre en compte les plus précaires, déjà fortement impactés par le dérèglement climatique, dans les mesures de planification écologique.
Il faut promouvoir la solidarité pour toute personne vulnérable quel que soit son parcours : personne mal logée, personne à la rue victime d’accidents de la vie, personne exilée du fait de conditions politiques, économiques, sociales ou climatiques intolérables… Si nous souhaitons davantage de cohésion dans notre pays, commençons par répondre à toutes ces situations d’exclusion.
Parallèlement, nous devons aussi nous interroger : nos modalités d’actions sont-elles toujours adaptées ? Quels messages délivrer ? Comment lutter contre une extrême droite qui séduit toujours plus d’électeurs ? Comment nous organiser à l’échelle du Mouvement ? Et avec nos partenaires de la société civile ?
Le combat continue.
Bruno Morel, Président d’Emmaüs France