L’Aquarius repart en mer, et nous, signataires, soutenons sa mission. Depuis début juin, tandis que les navires humanitaires sont empêchés de sauver des vies et éloignés de la zone de sauvetage au large des côtes libyennes, la Méditerranée centrale compte au moins 721 nouvelles victimes (chiffre de l’OIM – Organisation internationale pour les migrations – au 31 juillet).
L’Aquarius, le navire affrété par l’organisation européenne de sauvetage en mer SOS Méditerranée, et opéré en partenariat avec Médecins sans frontières (MSF) repart en mer, car des êtres humains continuent à perdre la vie en tentant de fuir l’enfer libyen. Il repart en mer, car le sauvetage est son devoir, sa responsabilité, sa mission et celle des marins à son bord. C’est aussi le devoir de tous les autres bateaux qui naviguent en Méditerranée centrale et de leurs équipages.
Aujourd’hui, les navires consacrés à la recherche et au sauvetage d’embarcations en détresse sont en nombre plus insuffisant que jamais. L’Aquarius repart dans les eaux internationales, au large de la Libye, parce qu’il en a le droit et que l’aide qu’il peut apporter est efficace, professionnelle et humaine.
Devoir supérieur de porter assistance
Certains disent qu’il serait complice du drame humanitaire qui se déroule en Méditerranée, c’est faux. Son seul et unique objectif est de sauver des vies en mer : empêcher que des femmes, des hommes et des enfants se noient. Toutes ses actions sont guidées par un seul impératif, ancré dans le droit maritime international : secourir les personnes en danger de mort dans les eaux internationales, le plus vite possible. Et les conduire, dans les meilleurs délais, vers un lieu sûr et proche, où elles puissent obtenir la protection à laquelle elles ont droit, où leurs besoins seront assurés et leurs droits garantis.
L’Aquarius s’engage à toujours coordonner ses actions avec les autorités maritimes, quelles qu’elles soient, comme il l’a toujours fait par le passé. Il s’engage à suivre toutes les instructions qui ont pour seul but le sauvetage dans le respect des conventions maritimes internationales. En toutes circonstances, il se référera à son devoir supérieur de porter assistance.
De fait, si ayant connaissance d’une embarcation en détresse, l’autorité maritime compétente lui donne ordre de ne pas s’approcher ni assister – comme cela a déjà eu lieu au cours des derniers mois –, il ne se conformera pas à ces instructions de non-assistance à moins d’avoir la certitude que tous les autres moyens disponibles sont mis en œuvre pour sauver les personnes en danger et pour les mettre à l’abri dans un lieu sûr.
Symbole de la solidarité maritime
De même, s’il reçoit instruction d’attendre alors que le danger est imminent et qu’il a la possibilité de sauver des personnes d’une noyade certaine, il ne pourra pas attendre.
Enfin, si on lui ordonne de débarquer les personnes secourues dans un port de Libye, ou de les transborder vers un navire qui les ramènerait vers l’enfer qu’elles fuient, il s’y refusera toujours. La Libye ne peut, en aucun cas, être considérée comme un lieu sûr.
L’Aquarius repart en mer… Malgré lui, l’Aquarius est devenu un symbole de la solidarité maritime. Il prétend être les yeux et les oreilles des citoyens qui, comme lui, considèrent qu’en mer comme à terre, secourir ceux qui sont en danger prévaut sur toute autre considération.
Alors que ce principe fondamental et reconnu est remis en cause en Méditerranée centrale, l’Aquarius s’engage à rendre public, dans la plus grande transparence, tout ce dont il sera témoin en mer. Il s’engage également à dénoncer tout ce qui irait à l’encontre des règles du sauvetage en mer définies depuis plusieurs décennies par les conventions maritimes internationales. L’Aquarius repart en mer.
Tribune publiée dans Le Monde, le 1 août 2018.
Liste intégrale des signataires : http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/Tribune-Aquarius-01-08-2018