Depuis 2021, l’association Les Eaux Vives Emmaüs (Loire-Atlantique) dispose de 3 appartements sécurisés qui lui permettent de porter un dispositif d’accueil et d’accompagnement de femmes victimes de violences conjugales. Seules ou avec enfants, elles trouvent ainsi le réconfort et le temps nécessaires à l’accompagnement social et juridique adapté à leur situation.
En Loire-Atlantique, l’association Les Eaux Vives Emmaüs gère un dispositif inhabituel autour de trois appartements dont les adresses sont tenues secrètes. En 2019, l’association a imaginé ce projet face au constat partagé par les assistant·e·s sociaux·ales du département que de nombreuses femmes du territoire victimes de violences conjugales, se trouvaient sans solution d’hébergement et de logement en cas de départ de leur foyer. Afin de couvrir ce besoin local, l’association a répondu à l’appel à projets « 1000 places d’hébergement pour femmes victimes de violences ». Le projet, construit avec les associations Saint Benoît Labre et Solidarité Femmes Loire-Atlantique, a été approuvé par l’Etat et le Conseil départemental deux ans plus tard, pour un déploiement sur le territoire d’intervention Nord-Loire, en milieu rural. Aujourd’hui, trois référentes sociales interviennent auprès des femmes. « Aux Eaux Vives, nous proposons avant tout une mise à l’abri. Notre accompagnement est ensuite tourné vers l’accès aux droits, la rescolarisation des enfants, les projets d’insertion et le relogement. Une fois que les femmes ont trouvé un logement, nous passons le relais à nos collègues de secteur. », explique l’une d’elles.
La prise en charge des femmes victimes de violences conjugales sur le territoire résulte d’une vraie coopération entre différents acteurs locaux. Le plus souvent, elles arrivent dans le dispositif de mise à l’abri après avoir été orientées par des structures partenaires ou dans certains cas par les gendarmeries, puis après une évaluation des situations de violences par l’association Solidarité Femmes Loire-Atlantique. Cette dernière confirme la nécessité d’une mise à l’abri et intervient tout au long de l’accompagnement sur le volet juridique et la conscientisation des violences, auprès des femmes et de leurs enfants.
Un accompagnement au plus près des besoins
S’engagent ensuite des accompagnements toujours singuliers, ajustés selon les personnes accueillies et accompagnées, ce qui induit adaptation et polyvalence de la part des équipes. « Au quotidien, on fait un peu de la dentelle : chaque situation est différente et on va chercher à ajuster selon les besoins des femmes. Ce sont elles qui nous donnent le rythme de l’accompagnement. Elles ont déjà fait du chemin jusqu’à nous, étudié le meilleur moment pour partir en l’absence du conjoint, préparé le départ… » Être confrontée à l’isolement et au secret d’adresse, après avoir fui un environnement toxique et violent, est une immense épreuve. L’association est également là pour préparer les femmes et leur garantir un environnement serein dans la poursuite de leurs démarches.
Après le traumatisme du calvaire conjugal, les Eaux Vives s’attache à proposer aux femmes un cadre particulièrement sécurisant afin qu’elles se sentent au mieux. L’une d’elle témoigne avec reconnaissance de cette bienveillance : « Dès la prise de contact avec l’équipe, je me suis sentie à l’aise. Nous étions protégées ma fille et moi. Dans l’appartement, tout était prêt pour nous accueillir ! J’ai pu dormir sereinement pour la première fois depuis plusieurs mois. »
Afin de protéger la confidentialité de ces lieux-refuges, chacune signe un contrat visant à respecter l’anonymat de l’adresse d’hébergement. « Lorsque l’on intègre un appartement, aucun proche ne doit savoir où l’on se trouve. C’est la condition sine qua non, pour notre propre sécurité, comme pour la sécurité des autres femmes qui y seront accueillies. », témoigne Marie*, qui a passé plusieurs semaines dans l’un des appartements avec ses enfants.
Vers une meilleure prise en charge des enfants
Avec 53 enfants accueilli·e·s depuis 2021 au sein des logements sécurisés, la question d’un accompagnement spécifique se pose. Aujourd’hui, les enfants sont reconnu·e·s en tant que co-victimes de ces violences avec toutes les conséquences psychologiques que l’on connait. Toutefois, leur prise en charge n’est pas toujours facile et l’exercice de la parentalité pour les femmes peut s’en trouver altéré, comme le confirme les référentes sociales : « Les femmes hébergées dans nos appartements sont à domicile 24h/24. Dans ce contexte, il peut être difficile pour elles d’aller récupérer les enfants à l’école par exemple. À leur arrivée, une phase de déscolarisation est indispensable à la sécurisation, avant le changement d’établissement. L’association Solidarité Femmes Loire-Atlantique ainsi que des psychologues et intervenant·e·s sociaux·ales accompagnent cette étape. »
Aujourd’hui, les professionnelles des Eaux Vives prennent davantage en compte la cellule familiale et pas seulement la situation des femmes. De quoi faire évoluer les pratiques des équipes, dont le cœur de métier est axé sur l’accompagnement social et le relogement. Pour accueillir au mieux les plus jeunes, un appel aux dons de jouets a par exemple été lancé au sein de l’association, afin d’équiper les appartements et rendre le quotidien plus joyeux. La structure espère de nouveaux partenariats et la mobilisation de l’État sur cette question de la prise en charge des enfants.
« Aujourd’hui, le Conseil Départemental et trois communautés de communes et municipalités nous soutiennent. Nous travaillons étroitement ensemble au déploiement du dispositif dans le nord du département. Ce partenariat vient d’aboutir à la mise à disposition et au financement d’un 4e logement, dont l’ouverture est prévue au second semestre 2025. » explique une cheffe de service.
Une perspective rassurante dans un contexte où les trois logements actuels dont déjà occupés en permanence et alors même que les demandes ne cessent de croître. Ce nouvel appartement vient ainsi renforcer la possibilité d’accueillir davantage de femmes victimes de violences et de les mettre à l’abri.
*Le prénom a été changé pour respecter l’anonymat.