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Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison

Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison

Emmaüs France et le Secours Catholique formulent 25 recommandations pour sortir du cercle vicieux prison-pauvreté.

Envisager le lien pauvreté-prison comme un problème structurel. Tel est l’enjeu à quelques jours des États Généraux de la Justice pour Emmaüs France et le Secours Catholique, qui publient une étude inédite sur les liens entre pauvreté et prison, en donnant la parole aux personnes détenues. Sans surprise, on constate que les personnes pauvres sont surreprésentées, souffrent d’une aggravation de leur situation en détention, et se retrouvent le plus souvent à l’extérieur sans avoir pu préparer correctement leur sortie.

Elle apparait comme le dernier maillon d’une chaîne d’exclusions. « Elle », c’est la prison française. Celle pour laquelle l’État fait figure de « multirécidiviste » après avoir été condamné à plusieurs reprises par les juridictions françaises et européennes, en raison des conditions de vie des 67 500 personnes détenues dans notre pays.

Donner la parole aux personnes concernées

Forts des expériences issues de leurs actions de terrain et nourris des propositions émises par les personnes qu’ils accompagnent, Emmaüs France et le Secours Catholique – Caritas France ont décidé d’explorer les manières dont les liens entre prison et pauvreté se construisent et s’alimentent.

Dans cette perspective, une enquête inédite à la fois qualitative et quantitative a été menée. Au total, 1174 personnes détenues ont participé par l’intermédiaire de questionnaires, d’entretiens individuels ou collectifs. Le parti pris de cette vaste enquête est de reconnaître les premiers concernés, les personnes détenues, comme des interlocuteurs légitimes et porteurs de solutions pour lutter contre la pauvreté en détention.

Ce travail a permis d’objectiver et d’analyser les différentes facettes de la pauvreté vécue par les personnes détenues, qui ne doit pas se limiter à une vision économique mais s’appréhender sous un angle multidimensionnel (pauvretés sociales, professionnelles, culturelles, spirituelles, etc.).

La pauvreté à toutes les étapes de la vie carcéral

Les résultats de cette enquête mettent en évidence l’existence d’un cercle vicieux de pauvreté-incarcération, qui résulte en grande partie d’un impensé des politiques pénales passées et actuelles. Le premier constat accablant réside dans la surreprésentation des pauvres parmi les personnes détenues et les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • 50% des personnes interrogées étaient en situation d’emploi avant leur incarcération, contre 75% dans la population générale ;
  • 39% des répondants à l’enquête en situation d’emploi sont ouvriers, contre 20% dans la population générale ;
  • 31% avaient des solutions d’hébergement précaires (hébergement chez des proches, foyers) avant leur incarcération,
  • et 8% se déclaraient sans domicile.

Un constat qui amène à s’interroger sur les facteurs qui conduisent à un risque plus élevé d’incarcération des personnes en situation de pauvreté et sur le rôle de la justice pénale dans le processus de criminalisation de la misère. Dans la continuité de travaux précédents, l’étude confirme notamment le rôle de la comparution immédiate, véritable machine à aggraver les inégalités sociales.

Dans son mode de fonctionnement actuel, la prison participe aussi à la paupérisation des personnes détenues. Nombreuses sont les personnes détenues à vivre dans l’extrême précarité : 16% des personnes ayant participé à l’enquête déclarent ainsi n’avoir aucune ressource financière, quand 31% d’entre elles expliquent vivre avec 20€/mois, soit le montant de l’aide aux personnes détenues sans ressource suffisante.Les activités en détention, qui pourraient constituer l’opportunité de préparer la réinsertion, sont le plus souvent insuffisantes et inadaptées à l’image du travail, qui s’avère trop rare (moins d’1/4 des personnes détenues ont accès à un emploi en raison de la faiblesse de l’offre et de la surpopulation), inadapté et mal rémunéré.

Cette situation de délaissement global des personnes détenues est évidemment lourde de conséquences. La période de détention constitue une véritable double-peine pour les personnes détenues qui perdent en pouvoir d’agir sur les différentes dimensions de leur vie, et se retrouvent souvent en grandes difficultés lorsqu’elle sortent de prison.Pour enrayer ce phénomène, Emmaüs France et le Secours Catholique formulent une série de 25 recommandations concrètes, appuyées sur des propositions émises par les personnes détenues elles-mêmes, qui visent à faire de la lutte contre la pauvreté en prison un axe majeur des politiques pénales et carcérales.

Dans le cadre de la sortie de ce rapport, Emmaüs France et le Secours Catholique diffusent trois bulles sonores dédiées à illustrer et expliciter les résultats obtenus à travers analyses et témoignages.