Emmaüs Toulouse a été parmi les premiers Groupes à participer à la formation « Cuisiner en collectivité », proposée par Emmaüs France. Un choix dans la continuité des nombreuses actions mises en place par la Communauté depuis plusieurs années pour répondre à l’enjeu d’une alimentation saine et durable. Son objectif est de participer au mieux à une démarche de transition écologique et solidaire pour toutes et tous.
10h à la Communauté Emmaüs de Toulouse. Dans les cuisines du site d’Escalquens, Pria et Zahidé, Compagnes, préparent le déjeuner.
Pria a appris à cuisiner dès son plus jeune âge en Inde, puis en tant que salariée d’un restaurant en Angleterre. Devenue Compagne à Emmaüs Toulouse, elle a souhaité consolider ses compétences en 2023 avec à la formation « Cuisiner en collectivité », lancée par Emmaüs France.
À travers un suivi individuel et des temps collectifs, la formation vise à répondre à des besoins importants en matière de professionnalisation et de respect des normes de sécurité. Elle est ouverte à l’ensemble des 200 Groupes Emmaüs qui disposent d’une cuisine collective. L’an dernier, 19 Groupes ont ainsi participé à sa deuxième édition et 46 personnes ont été sensibilisées aux enjeux d’une alimentation durable et aux techniques d’une cuisine simple et saine. Depuis 2023, plus de 650 convives ont vu leur alimentation améliorée au quotidien !
Ce que Pria retient de cet accompagnement ? Des techniques pour faciliter la préparation des repas au quotidien, notamment la cuisson des viandes. Techniques qu’elle tâche à son tour de transmettre à Zahidé. Et ce n’est pas tout. « On est plus vigilantes aux dates et surtout, à l’hygiène en cuisine. Personne n’entre sans que l’on vérifie ! » prévient Pria, dans une cuisine impeccable.
Le parcours s’étend sur un an d’accompagnement, dispensé par la Fédération Emmaüs France et ses partenaires locaux, comme le Mouvement des Cuisines Nourricières. Un module HAACP* est proposé aux participantes et participants. Cette certification, obligatoire pour les équipes en cuisine, vient également nourrir le parcours professionnel des personnes.
Pria et Zahidé préparent ainsi les déjeuners et dîners du lundi au vendredi, pour une trentaine de personnes. Leur cuisine est savoureuse, préparée avec l’intention de faire plaisir. Comment évaluent-elles la réussite de leurs plats ? « Lorsque l’on débarrasse, on regarde les restes dans les assiettes pour savoir si ça a plu ou non ! », confie Pria en riant.
* Hazard Analysis Critical Control Point
Sensibiliser sans imposer
La cuisine occupe une place importante dans la vie communautaire. Toutefois, il n’est pas toujours facile de réunir tout le monde autour de la table. Comment faire collectif avec un sujet aussi intime que la nourriture, dans un lieu où les cultures culinaires sont multiples ? « Ici, l’alimentation est un combat de tous les jours, qui nécessite des compromis. C’est important de ne pas dicter notre modèle français, mais de faire avec toutes les cultures. » précise Sylvie Mosnier, responsable du site d’Escalquens depuis plus de 20 ans.
L’engagement de la Communauté Emmaüs de Toulouse sur les questions de l’alimentation a démarré par une sensibilisation au gaspillage et au compost. Le site d’Escalquens, installé sur un Territoire Zéro Déchet, a été moteur dans cette démarche. Petit à petit, les rencontres avec des producteurs locaux ont permis de repenser les pratiques d’approvisionnement. Avec la même intention, la Communauté s’est inscrite à la première édition de la formation « Cuisiner en collectivité ».
Emmaüs Toulouse a su s’entourer de partenaires pour proposer des actions de sensibilisation sur la cuisine et l’impact environnemental de l’alimentation. Parmi eux, les Jardins de Cocagne, qui propose chaque mois des ateliers collectifs. Les thématiques sont diverses, allant de la gestion du budget courses à la préparation des légumes « moches ». Des informations utiles et précieuses, qui contribuent à préparer « l’après Communauté ».
L’association partenaire livre également des paniers de fruits et légumes bio et de saison, parfois méconnus. Pria et Zahidé apprennent ensuite à les travailler, en faisant appel à leur imagination. « On propose les menus selon nos envies. Si on voit que quelque chose plait, on peut le refaire, en adaptant ! »
Prendre en compte les personnes pour nourrir le collectif
Comme Pria, une dizaine de Compagnes et Compagnons de Toulouse ont participé aux premières éditions de la formation cuisine. « La formation a été très valorisante pour les personnes qui l’ont suivie. Elle crée des ouvertures : la cuisine est prétexte à la rencontre et aux échanges de savoir-faire et de bonnes pratiques » explique Benoit de Richemont, responsable du site de Labarthe.
La formation a bénéficié à la vie communautaire, en interrogeant collectivement ce qui pourrait être mis en place. Les actions en faveur d’une alimentation respectueuse de la santé des personnes et de la planète se sont développées progressivement. « Nous apportons une vigilance à ce que chacun et chacune puisse s’en saisir et contribuer activement » raconte Anaïs Revollat-Veuillet, directrice d’Emmaüs Toulouse.
L’engagement de la Communauté en faveur de l’accessibilité de l’alimentation et du lien avec la santé n’est pas récent. L’idée est venue du constat d’un certain « décalage » entre les habitudes des repas communautaires et le discours véhiculé. Emmaüs Toulouse s’est alors donné les moyens de développer le sujet, qui est aujourd’hui inscrit dans son projet associatif.
Une alimentation saine, de la fourche à la fourchette
Les sites d’Emmaüs Toulouse sont tous les trois engagés dans une démarche de transition écologique, selon leurs spécificités. À Labarthe-sur-Lèze, où la végétation et les animaux sont très présents, la question du vivant est manifeste. Cet engagement prend la forme, entre autres, d’un jardin vivrier cultivé par Jean-Pierre, Compagnon maraîcher de 58 ans.
« Je cultive les légumes selon mes goûts ! » confie Jean-Pierre. Le maraîchage, il est tombé dedans adolescent. Comme Pria pour la cuisine, c’est sa famille qui lui a appris le travail de la terre. Aujourd’hui, il bénéficie d’une expérience de plus de 40 années de pratique !
Fervent militant écologiste, Jean-Pierre poursuit ses combats au sein de la Communauté de Toulouse, depuis son arrivée il y a quelques années. Il est devenu porte-parole du plaidoyer de l’association en faveur de l’agriculture et de l’alimentation durables. Sensibiliser à ses sujets de prédilection, Jean-Pierre sait faire. « Je fais des appels micro dans la salle de vente pour proposer aux gens de visiter notre site. Les entreprises viennent nous voir aussi pour visiter le jardin lors de teambuildings. L’alimentation durable ça ne parle pas à tout le monde, alors c’est l’occasion de faire passer des messages. », explique-t-il.
Les produits cultivés par Jean-Pierre ne suffisent pas à approvisionner la cuisine de Labarthe. C’est un complément aux 40 kgs de légumes livrés chaque semaine par les Jardins de Cocagne. L’autosuffisance n’est pas dans les projets, du moins pas pour tout de suite.
À Escalquens, le repas est terminé. Pria et Zahidé s’occupent de la vaisselle avant de poser leurs tabliers. Dans les assiettes, peu de restes ce midi : le repas a plu.
Quand on leur demande quels sont leurs projets, toutes les deux sont unanimes : évoluer dans la cuisine ! Pour cela, Zahidé souhaite à son tour s’inscrire à la formation l’année prochaine. Chacune a déjà réfléchi à la suite de son parcours professionnel, non loin des fourneaux et du public. Parmi leurs projets, pourquoi pas un jour une affaire ensemble, pour mélanger les saveurs de leurs deux cultures.
©Jeanne Frank
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